CAIRN.INFO : Matières à réflexion
linkThis article is available in English on Cairn International

1La percée électorale des droites radicales populistes observée en Europe depuis la fin des années 1980 a été d’emblée plus prononcée dans l’électorat masculin que féminin [1]. Le phénomène, qualifié par la chercheuse américaine Terri Givens de « Radical Right Gender Gap » (RRGG) [2], a été particulièrement marqué en France où, du temps de Jean-Marie Le Pen, le genre était avec le diplôme le facteur le plus prédictif d’un vote en sa faveur. Ce n’est plus le cas en 2012, quand sa fille, qui vient de lui succéder à la tête du Front national (FN), se présente comme candidate au scrutin présidentiel. Là, pour la première fois, on n’observe quasiment plus d’écart entre le niveau de soutien masculin et féminin. Mais à toutes les élections intermédiaires – européennes, départementales, régionales – intervenues depuis, caractérisées, il est vrai par un fort taux d’abstention, l’écart est réapparu [3]. Comprendre et expliquer ces variations est l’objet de cet article. Il analyse l’effet du genre sur le vote pour Marine Le Pen à l’élection présidentielle de 2017, dans un contexte particulièrement favorable pour son mouvement. Le phénomène Macron a balayé les partis traditionnels et aux deux bouts de l’échiquier politique, les votes extrêmes connaissent une progression spectaculaire. Avec 21,3 % des suffrages exprimés, Marine Le Pen se qualifie pour le second tour. Si son score final reste loin des 40 % que lui prédisaient les sondages avant son débat télévisé du 3 mai, il est néanmoins le plus élevé qu’un candidat du FN ait jamais obtenu à cette élection, atteignant 33,9 % des suffrages exprimés et 10,6 millions de voix.

2Après une introduction présentant les travaux existants, les hypothèses et les données utilisées, la première partie de cet article vérifie l’existence d’un RRGG en 2017, par une série de régressions logistiques binaires et multinomiales contrôlant l’effet du genre par les autres variables socio-démographiques et attitudinales habituellement mobilisées pour expliquer le vote Le Pen/FN. Elle confirme la disparition du différentiel hommes/femmes, aux deux tours du scrutin présidentiel. La seconde partie explore plus particulièrement la dynamique générationnelle de ce vote, en croisant les effets du genre avec ceux de l’âge, de la période et de la cohorte de naissance. Elle montre que Marine Le Pen a réussi à attirer et à fidéliser une nouvelle génération de femmes, arrivées à l’âge de voter en 2012, qui n’ont connu du FN que sa face « dédiabolisée » incarnée par sa nouvelle présidente. À l’aide d’indicateurs psychologiques peu mobilisés jusqu’ici dans les analyses électorales en France, les Big Five, la troisième partie explore les motivations psychologiques différenciées des hommes et des femmes à voter Marine Le Pen. Ces cinq traits de personnalité, issus d’une interaction complexe entre hérédité et environnement, caractérisent la structure intellectuelle et affective d’un individu  [4]. Combinés avec les attitudes à l’égard de l’autorité et des minorités  [5], ils pourraient apporter un regard nouveau sur notre compréhension du vote FN. Nous verrons ainsi que les hommes les moins stables émotionnellement ont eu plus tendance à voter Marine Le Pen que le reste des électeurs. Alors que ces mêmes traits de personnalités n’ont eu aucun impact sur le vote des femmes.

Expliquer le « Radical Right Gender Gap »

État des lieux

3Quatre grands types d’explication ont été avancés pour rendre compte de la moindre propension des électrices à soutenir les droites radicales populistes. Le premier renvoie à la division sexuelle du marché du travail. Ces droites font partout leurs meilleurs scores dans l’électorat ouvrier [6], un milieu de travailleurs manuels, majoritairement masculin, particulièrement exposé au chômage et à la précarité et en concurrence avec les travailleurs immigrés  [7]. Les femmes occupent plus souvent des emplois non manuels, comme employée dans le commerce ou les services, ou dans le secteur public (enseignement). Elles seraient donc moins au contact des immigrés et moins sensibles aux thématiques xénophobes. La seconde explication privilégie le rôle de la religion. Les valeurs chrétiennes feraient rempart contre l’idéologie inégalitaire et anti-universaliste des droites radicales. En France en particulier, l’Église catholique, à maintes reprises, a condamné les idées du FN. Or, les femmes, surtout les plus âgées, sont globalement plus pratiquantes que les hommes, donc a priori plus réceptives aux injonctions de l’Église. Un autre facteur avancé est la diffusion du féminisme dans la société. Sa visée émancipatrice serait difficilement compatible avec la vision traditionnelle de la famille et des mœurs véhiculée par ces droites, surtout chez les plus jeunes femmes, tandis qu’inversement, elle pourrait être vécue comme une menace chez certains hommes [8]. A contrario, malgré les progrès du féminisme ordinaire, on observe la persistance de stéréotypes de genre. L’éducation des filles valorise la soumission aux normes, décourage l’agressivité et l’affirmation de soi  [9]. L’image d’extrémisme et de violence associée aux droites radicales et leur côté outsider et hors normes auraient un rôle dissuasif auprès de l’électorat féminin [10].

4Mais des travaux plus récents nuancent la portée de ces facteurs, montrant que l’ampleur du RRGG varie beaucoup selon les pays et selon l’élection considérée [11]. En France, lors de l’élection présidentielle de 2012, il disparaît, une fois contrôlés les effets des autres variables socio-démographiques et politiques susceptibles de l’influencer. Quand on croise genre et profession, l’écart s’inverse même, les employés de commerce, catégorie majoritairement féminine, votant plus Le Pen que les ouvriers, catégorie majoritairement masculine  [12]. Tout se passe comme si les facteurs qui hier protégeaient les femmes d’un tel vote étaient en train de s’éroder.

5Les frontières entre catégories socio-professionnelles évoluent. Un double mouvement de tertiarisation des emplois ouvriers et de prolétarisation des emplois d’employés aboutit à un ensemble aux frontières floues de « travailleurs non qualifiés », où les femmes sont aussi nombreuses et aussi mal loties que les hommes [13]. Caissières de supermarchés, vendeuses, assistantes maternelles, femmes de ménage, elles incarnent un prolétariat des services peu représenté, peu reconnu, mal payé, dont les conditions de précarité n’ont rien à envier à celles des ouvriers, favorisant des comportements de repli identitaire  [14].

6La plus grande visibilité de l’islam dans l’espace public, les débats autour du voile et de la burqa, la progression d’un fondamentalisme musulman, ont provoqué un réveil identitaire et une crispation ethnocentriste chez les catholiques français. Après l’affaire des caricatures de Mahomet en particulier, on note entre la fréquence de la pratique religieuse catholique et le niveau de préjugés anti-immigrés une corrélation qui n’existait pas auparavant [15].

7L’offre politique enfin a changé. Les droites radicales évoluent, elles tentent d’adoucir leur image de parti extrémiste, d’euphémiser leur discours. Tel est notamment le but de la stratégie de « dédiabolisation » affichée par Marine Le Pen depuis 2011 [16]. À l’instar d’autres leaders de droites extrêmes, en Norvège, au Danemark ou aux Pays-Bas, elle a recentré son discours sur l’islam [17] présenté comme une menace pour les droits des femmes et la démocratie.

Nouvelles hypothèses

8De cet état des lieux, on retiendra pour 2017 deux séries d’hypothèses contrastées, les premières allant dans le sens d’une disparition progressive de l’écart entre le niveau de soutien au FN des femmes et des hommes, les secondes dans celui de son maintien. Ces hypothèses concernent des facteurs explicatifs situés à la fois du côté de la demande et de l’offre politique, notamment les positions des partis sur l’égalité des genres, thème encore peu abordé par la littérature  [18].

9Dans le sens de la disparition du RRGG, on trouve, après la crise de 2008, la précarisation de la situation professionnelle des femmes, en particulier dans le secteur des services, rapprochant les conditions de travail des ouvriers, groupe majoritairement masculin, de celles des employés à majorité féminine [19]. Il y a aussi l’érosion du rempart des valeurs catholiques, dans un contexte de concurrence identitaire. Et l’Église catholique paraît divisée sur l’attitude à avoir envers le FN. À la veille du second tour du scrutin présidentiel de 2017, la Conférence des évêques de France s’est contentée de « rappeler les fondamentaux », alors qu’en 2002 elle avait clairement appelé à barrer la route au candidat frontiste.

10Toujours parmi les facteurs explicatifs favorisant la disparition du RRGG, mais cette fois-ci du côté de l’offre politique, il y a bien sûr l’effet « Marine Le Pen ». À la tête du parti depuis maintenant six ans, elle se présente comme une femme « moderne », qui, à l’encontre de la rhétorique volontiers sexiste et viriliste de son père, dit comprendre les femmes qui avortent, ouvre le parti aux gays, met en avant son identité de femme divorcée-remariée-mère  [20] et va jusqu’à se définir dans sa biographie comme une « quasi-féministe »  [21]. En 2017, elle a fait des efforts particuliers pour apparaître comme une candidate à l’écoute des femmes, une stratégie qualifiée par Catherine Achin et Sandrine Lévêque de « normalisation genrée »  [22]. Son programme insiste sur l’égalité salariale, la lutte contre la précarité professionnelle et surtout la lutte contre l’islamisme « qui fait reculer leurs libertés fondamentales  [23]. Et un tract de quatre pages, sur un ton intimiste et personnel, leur est spécialement destiné  [24]. Cela est d’autant plus important que les femmes et les hommes, comme l’ont montré Eelco Harteveld et ses collègues, ne sont pas sensibles aux mêmes points dans les programmes partisans, en particulier ceux des droites radicales populistes  [25]. Nous faisons par ailleurs l’hypothèse supplémentaire que cette stratégie de conquête des femmes devrait influencer particulièrement les nouvelles générations d’électrices  [26], venues à l’âge de voter quand Marine Le Pen était déjà à la tête du FN et que sa stratégie de normalisation faisait les gros titres des médias  [27]. Elles n’ont pas connu son père. Quand elles ont fait leurs premières expériences dans la vie politique française, Marine Le Pen était déjà omniprésente. Et ces facteurs facilitateurs devraient d’autant plus jouer qu’il s’agit en 2017, comme en 2012, d’un scrutin présidentiel, donc particulièrement personnalisé et mobilisateur, où l’effet Marine Le Pen devrait jouer à plein.

11La seconde série d’hypothèses, à l’inverse, retient les facteurs (du côté de la demande politique) susceptibles de pérenniser le moindre soutien des femmes au FN et à sa présidente. C’est en premier lieu le fait que leur éducation les pousse plus que les hommes à intérioriser les normes sociales, notamment en matière de racisme et d’ethnocentrisme. Les expériences menées par Elisabeth Ivarsflaten et Eelco Harteveld montrent qu’à niveau de préjugé anti-immigrés égal, elles sont plus motivées que les hommes pour contrôler ces préjugés, pour donner priorité à la norme démocratique qui est celle de la tolérance  [28].

12Pour explorer plus avant cette hypothèse, nous avons mobilisé ici les travaux de psychologie politique. Un temps délaissé, l’étude de la personnalité et de son impact sur le comportement politique fait un retour en force  [29]. Elle s’appuie en particulier sur les traits de personnalité. Ces traits sont à distinguer des valeurs qui reflètent ce que les personnes considèrent comme important, là où les traits décriraient simplement « comment les gens sont »  [30]. Ils sont relativement stables tout au long de la vie  [31]. Ils affectent les perceptions, les valeurs, les comportements, la manière dans les individus interagissent en société  [32]. Cinq grands facteurs, mis au jour par Ernest Tupes et Raymond Christal dès 1961 et popularisés par Lewis R. Goldberg sous le terme de Big Five, les résumeraient assez bien  [33]. Il s’agit de « l’agréabilité »  [34], de « l’extraversion », de la « stabilité émotionnelle », du « contrôle de soi »  [35] et de « l’ouverture ».

13L’agréabilité, terme traduit ici par « amabilité », est synonyme de bienveillance, de facilité à nouer des liens amicaux, de capacité à l’empathie. L’extraversion implique la chaleur humaine, la sociabilité, l’affirmation de soi. La stabilité émotionnelle fait référence à la capacité de l’individu à contrôler des émotions négatives comme l’anxiété, la dépression, la colère. Le contrôle de soi reflète le degré de contrôle des impulsions prescrit socialement. Il décrit des personnalités consciencieuses, avec le sens de l’organisation, de la rigueur, de la méthode. L’ouverture implique l’ouverture à la diversité, et un intérêt pour la nouveauté et la culture  [36]. Chacun de ces traits de personnalité est mesuré par les scores des individus sur une échelle (cf. en annexe). Et ils sont inégalement répartis selon le sexe. Les femmes apparaissent plus extraverties, plus sociables et plus enclines au contrôle de soi que les hommes, tandis que ces derniers seraient plus stables émotionnellement.

14Ces traits de personnalité pourraient avoir un impact sur le vote de la candidate du FN parce qu’entre autres ils influencent les attitudes envers les minorités et le rapport à l’autorité, des attitudes qui jouent un rôle clé dans le soutien aux droites radicales [37]. Ainsi, amabilité et ouverture feraient barrage au vote Marine Le Pen en protégeant contre l’ethnocentrisme, tandis que le contrôle de soi favoriserait l’autoritarisme. Comme les femmes ont tendance à être sur ces indicateurs plus ouvertes que les hommes, elles seraient donc moins sujettes à voter FN. Mais parce qu’elles sont aussi plus portées au contrôle social, elles seraient plus autoritaires. Autrement dit, elles cumulent des traits qui jouent en sens inverse sur les probabilités de voter Le Pen.

15À ces facteurs de long terme pourrait enfin s’ajouter un facteur conjoncturel, la très mauvaise prestation de Marine Le Pen lors de son duel télévisé de l’entre les deux tours, le 3 mai. Elle est apparue particulièrement agressive et incivile envers Emmanuel Macron, contredisant l’image apaisée et adoucie que cherchait à produire sa stratégie de « dédiabolisation ». Ce brutal changement de registre devrait avoir plus d’effet chez les femmes, plus sensibles que les hommes aux normes sociales et plus réticentes à la violence. Nous faisions l’hypothèse qu’il pourrait favoriser la réapparition d’un RRGG au second tour.

16Pour vérifier ces hypothèses, on s’appuie sur les données de la French Electoral Study (FES 2017), menée après le second tour présidentiel  [38]. Preuve de la normalisation progressive du parti lepéniste, les votes déclarés en faveur de sa candidate au premier tour sont proches des résultats réels, la sous-estimation n’est que de – 0,7 point (contre 5 points néanmoins au second) et on dispose donc d’effectifs conséquents (291 votants lepénistes déclarés au premier tour, 336 au second).

La re-disparition du « Radical Right Gender Gap »

17L’enquête confirme la disparition du gender gap lors du scrutin présidentiel de 2017. Le scrutin présidentiel a remobilisé un électorat féminin qui s’était montré plus abstentionniste que l’électorat masculin lors des élections intermédiaires précédentes [39]. En 2017, les femmes ont même plus participé que les hommes, et plus encore au second qu’au premier tour (tableau 1). On le vérifie quel que soit l’indicateur retenu, qu’on se fie aux réponses à une question directe sur la participation à chaque tour, formulée de manière à faciliter l’aveu de l’abstention  [40], ou qu’on estime indirectement la participation, en considérant comme « votes non exprimés » la somme des abstentions déclarées, des votes blancs ou nuls et des refus de répondre. Les femmes non seulement se sont moins abstenues, mais elles ont été moins nombreuses à mettre un vote blanc ou nul dans l’urne (3,8 % des votantes contre 5 % des votants au premier tour, et 15,1 % contre 19 % au second).

Tableau 1. Participation électorale au scrutin présidentiel de 2017 (en pourcentages)

Participation déclarée Total votes exprimés*
1er tour 2nd tour 1er tour 2nd tour
Hommes 83,3 78,7 75,3 60,3
Femmes 86,5 82,0 79,0 66,4
Écart + 3,2 + 3,3 + 3,7 + 6,1
tableau im1

Tableau 1. Participation électorale au scrutin présidentiel de 2017 (en pourcentages)

Source : FES 2017. Données non pondérées.

18 Au total, les voix des femmes ont donc particulièrement pesé dans cette élection puisqu’elles représentent 53,4 % des suffrages exprimés au premier tour, et 54,5 % au second (contre 52,4 % des inscrits fin 2016 selon l’Insee).

Tableau 2. Choix aux deux tours de l’élection présidentielle de 2017 (en pourcentages)

1er tour (N = 1 414) 2nd tour (N = 1 162)
ExG Mélenchon Hamon Macron Fillon Le Pen Autres Macron Le Pen
Hommes 1,7 21,1 4,6 24,4 21,1 20,2 7 65,8 34,2
Femmes 1,7 18,3 7,8 23,3 18,8 22,8 7,3 65,6 34,4
Écart 0 – 2,8 + 3,2 – 1,1 – 2,3 + 2,6 + 0,3 – 0,2 + 0,2
tableau im2

Tableau 2. Choix aux deux tours de l’élection présidentielle de 2017 (en pourcentages)

Source : FES 2017. Données pondérées selon les résultats respectifs du 1er et du 2e tour, sur les votes exprimés.

19Comparées aux hommes (tableau 2), au premier tour, elles se distinguent par un moindre soutien à l’extrême gauche et à la droite traditionnelle (– 2,8 points sur le vote Jean-Luc Mélenchon et – 2,3 sur le vote François Fillon), et un soutien plus fréquent à Benoît Hamon et à Marine Le Pen (respectivement + 3,2 et + 2,6 points). Au second tour, il n’y a quasiment pas de différence. Non seulement le RRGG a disparu, mais il aurait tendance à s’inverser, même si les écarts sont faibles (figure 1).

Figure 1. Évolution du vote Le Pen des femmes et des hommes aux élections présidentielles (en pourcentages des suffrages exprimés)*

tableau im3

Figure 1. Évolution du vote Le Pen des femmes et des hommes aux élections présidentielles (en pourcentages des suffrages exprimés)*

Source : Enquêtes post-électorales françaises du Cevipof 1988 et 1995 ; panel électoral français 2002 et 2007 (vague 1), FES 2012 et 2017 (CEE) ; données redressées sur la base des résultats réels.

20Ces moyennes peuvent toutefois être trompeuses, et masquer des effets de composition, refléter l’effet d’autres caractéristiques que le genre, susceptibles d’influencer le comportement électoral. Une série de régressions logistiques, introduisant des variables de contrôle socio-démographiques (âge, diplôme, profession individuelle, pratique religieuse) (tableau 3) puis des attitudes politiques (position sur l’échelle gauche droite, scores sur des échelles d’euroscepticisme, d’ethnocentrisme, de libéralisme économique et culturel [41]) (tableau 4), permet de vérifier s’il existe un effet spécifique du genre sur le vote Marine Le Pen au premier et au second tour présidentiel [42], toutes choses égales par ailleurs. Au premier tour, une régression logistique multinomiale compare la logique du vote pour Marine Le Pen à celle du vote pour les principaux candidats, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron et François Fillon, opposés à tous les autres choix (vote pour les sept petits candidats restants ou non-vote), d’abord avec les seules variables socio-démographiques puis avec des variables d’attitudes. Au second tour, il s’agit d’une régression logistique binaire, contrastant le vote Le Pen avec le vote Macron [43].

21Le constat est sans appel. Quelles que soient les variables de contrôle entrées dans le modèle, et quel que soit le tour de scrutin, le genre n’a pas d’impact électoral statistiquement significatif en 2017. Au premier tour, comme en 2012, le différentiel hommes/femmes a disparu. Il n’est pas revenu au second, contrairement à nos attentes, malgré l’agressivité de Marine Le Pen lors du débat télévisé d’entre les deux tours. D’autres variables que le genre expliquent le vote en sa faveur, en particulier le diplôme, l’âge, l’orientation politique, le rapport aux immigrés et à l’Union européenne. Comparé à celui de ses adversaires, l’électorat de Marine Le Pen en 2017 apparaît très typé. Elle attire en priorité un électorat droitier, massivement ethnocentriste et anti-européen. Elle séduit les tranches d’âge sinon jeunes, du moins en activité (moins de 65 ans), elle rebute les personnes les plus diplômées (bac général ou plus) et à statut social élevé (cadres, professions libérales et intellectuelles), tandis qu’elle rebute les fidèles des religions minoritaires, en particulier les musulmans. Le candidat de la France insoumise attire l’électorat le plus à gauche sur l’échelle gauche droite, le moins ethnocentriste, le moins hostile au libéralisme économique, et il a les faveurs des employés. Le vote pour Emmanuel Macron va de pair avec un fort sentiment pro-européen et un niveau élevé de libéralisme économique. Il n’attire ni les jeunes ni les peu diplômés (BEPC, CAP ou brevet professionnel). François Fillon, lui, attire un électorat très à droite, libéral sur le plan économique et très pro-européen. Il rebute comme Emmanuel Macron les électeurs jeunes et les peu diplômés.

22Pour compléter ce constat, il faut tenir compte des possibles interactions entre le genre et les autres facteurs explicatifs. En 2012, les variables prédictives d’un vote pour Marine Le Pen étaient exactement les mêmes, quel que soit le sexe. Mais des régressions logistiques binaires séparées pour les femmes et pour les hommes, appuyées sur les mêmes variables que celles utilisées dans cet article  [44], montraient alors que ces variables avaient systématiquement moins d’impact sur le vote féminin, en particulier les variables d’attitudes  [45]. Ainsi toutes choses égales par ailleurs, les probabilités prédites d’un vote pour Marine Le Pen atteignaient leur maximum chez les personnes les plus à droite sur l’échelle gauche droite, mais elles montaient à 79 % chez les hommes, contre 51 % chez les femmes. Ce RRGG ne disparaissait que chez les personnes les plus eurosceptiques, et s’inversait faiblement (– 2) en présence d’une forte sympathie déclarée pour la candidate du FN. Autrement dit, en 2012, Marine Le Pen parvenait déjà à vaincre les réticences d’une partie de l’électorat féminin en accord avec les idées du FN, mais qui hésitait à franchir le pas.

Tableau 3. Régression logistique multinomiale sur les votes pour les principaux candidats au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 sur la base des variables socio-démographiques

MélenchonB(es) MacronB(es) FillonB(es) Le PenB(es)
Genre[46] *
Homme 0,158 (0,15) – 0,131(0,15) – 0,022(0,18) – 0,201(0,16)
Femme ­
Âge
18-24 0,158(0,28) – 1,124(0,31)*** – 1,484(0,46)** 0,783(0,31)*
25-34 0,252(25) – 1,219(0,27)*** – 1,611(0,37)*** 06576(0,28)*
35-49 0,059(0,23) – 0,743(0,21)*** – 0,832(0,25)*** 0,824(0,25)**
50-64 0,173(0,22) – 0,061(0,19) – 0,787(0,23)*** 0,610(0,23)***
65 et plus
Niveau d’études
Primaire, pas d’étude – 0,780(0,29)** – 1,231(0,27)*** – 1,003(0,33)** 1,091(0,29)***
BEPC – 0,602(0,29)* – 1,141(0,31)*** – 0,424(0,35) 0,451(0,32)
CAP – 0,711(0,20)*** – 1,015(0,231)*** – 0,805(0,28)** 0,536(0,24)*
Bac professionnel – 0,407(0,24) – 0,208(0,24) – 0,072(0,32) 0,730(0,27)**
Bac général – 0,288(0,25) – 0,496(0,26) – 0,015(0,32) – 0,792(0,42)
Enseignement supérieur
Profession
Inactif 0,245(0,28) 0,059(0,26) – 0,748(0, 37)* 0,975(0,39)*
Indépendants – 0,047(0,35) – 0,343(0,32) 0,522(0,31) 1,229(0,42)**
Professions intermédiaires 0,341(0,25) – 0,005(0,23) – 0,798(0,30)** 1,094(0,38)**
Employés 0,385(0,25) – 0,428(0,24) – 0,781(0,29)** 0,964(0,37)*
Ouvriers 0,219(0,28) – 0,292(0,27) – 1,037(0,36)** 0,887(0,38)*
Cadres supérieurs
Religion
Catholique prat.régulier – 0,939(0,44)* 0,220(0,33) 2,422(0,35)*** – 0,060(0,38)
Catholique prat.irrégulier – ,685(0,30)* 0,325(0,25) 1,785(0,32)*** 0,492(0,25)
Non-pratiquant – 0,372(0,15)* 0,348(0,16)* 1,309(0,26)*** 0,184(0,17)
Autre religion – 0,087(0,22) – 0,411(0,29) 0,495(0,42) – 1,198(0,39)**
Sans religion
Constante – 0,438(0,27) 0,474(0,24) – 0,763(0,33)* – 2,719(0,40)***
N 1830 1830 1830 1830
Log vraisemblance 3112,112 3112,112 3112,112 3112,112
X2 (df) 528,594 (76)*** 528,594(76)*** 528,594(76)*** 528,594(76)***
R2 0,263 0,263 0,263 0,263
tableau im4

Tableau 3. Régression logistique multinomiale sur les votes pour les principaux candidats au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 sur la base des variables socio-démographiques

Source : FES 2017. Données non pondérées. * p < 0,05 ; ** p < 0,010 ; *** p < 0,001. La modalité de référence est le vote pour les sept autres candidats et les votes non exprimés.

Tableau 4. Régression logistique multinomiale sur les votes pour les principaux candidats au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 en incluant les variables d’attitudes

MélenchonB (es) MacronB(es) FillonB(es) Le PenB(es)
Genre
Homme 0,209(0,16) – 0,170(0,16) – 0,266,21 – 0,302(0,19)
Femme
Âge
18-24 0,116(0,31) – 1,221(0,33)*** – 1,1400(0,50)* 1,280(0,37)**
25-34 0,383(26) – 1,153(0,28)*** – 1,582(0,41)*** 0,876(0,32)**
35-49 0,102(0,24) – 0,816(0,23)*** – 0,896(0,30)** 1,157(0,29)***
50-64 0,215(0,23) – 0,027(0,20) – 0,581(0,26)* 0,646(0,26)*
65 et plus
Niveau d’études
Primaire, pas d’étude – 0,532(0,33) – 0,577(0,30) – 0,838(0,39)* 0,330(0,35)
BEPC – 0,503(0,32) – 0,713(0,32)* – 0,470(0,40) – 0,163(0,38)
CAP – 0,564(0,22)* – 0,521(0,23)* – 0,621(0,32) – 0,020(0,28)
Bac professionnel – 0,318(0,26) 0,124(0,26) 0,133(0,36) 0,461(0,34)
Bac général – 0,272(0,27) – 0,290(0,27) – 0,006(0,36) – 1,091(0,47)*
Enseignement supérieur
Profession
Inactif 0,426(0,30) 0,400(0,28) – 0,575(041), 0,486(0,44)
Indépendants 0,338(0,38) – 0,384(0,34) 0,346(0,35) 0,962(0,46)*
Professions intermédiaires 0,546(0,27) 0,215(0,24) – 0,533(0,33) 0,782(0,42)
Employés 0,613(0,27)* – 0,172(0,25) – 0,462(0,33) 0,657(0,41)
Ouvriers 0,315(0,30) – 0,063(0,28) – 0,490(0,40) 0,662(0,43)
Cadres supérieurs
Religion
Catholique pratiquant régulier – 0,758(0,48) 0,282(0,34) 1,847(0,39)*** – 0,223(0,43)
Catholique pratiquant irrégulier – 0,255(0,32) 0,330(0,26) 1,312(0,36)*** 0,402(0,29)
Non-pratiquant – 0,019(0,17) 0,359(0,17)* 0,954(0,28)** 0,074(0,20)
Autre religion 0,107(0,26) – 0,435(0,31) 0,80(0,47) – 1,193(0,46)*
Sans religion
Attitudes
Score sur échelle GD – 0,328(0,04)*** – 0,031(0,03) 0,616(0,06)*** 0,363(0,4)***
Sentiment anti-UE – 0,019(0,03) – 0,257(0,03)*** – 0,177(0,04)*** ,0161(0,3)***
Ethnocentrisme – 0,079(0,02)*** – 0,030(0,02) 0,030(0,03) 0,219(0,2)***
Libéralisme culturel – 0,042(0,03) 0,041(0,03) – 0,054(0,04) – 0,035(0,3)
Libéralisme économique – 0,194(0,04)*** 0,184(0,04)*** 0,377(0,05)*** 0,018(0,4)
Constante 2,408(0,84)** 0,363(0,82) – 5,931(1,10)*** – 8,611(1,01)***
N 1830 1830 1830 1830
Log vraisemblance 4180,561 4180,561 4180,561 4180,561
X2 (df) 1445,740(96)*** 1445,740(96)*** 1445,740(96)*** 1445,740(96)***
R2 0,573 0,573 0,573 0,573
tableau im5

Tableau 4. Régression logistique multinomiale sur les votes pour les principaux candidats au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 en incluant les variables d’attitudes

Source : FES 2017, données non pondérées ; * p < 0,05 ; ** p < 0,010 ; *** p < 0,001. La modalité de référence est le vote pour les sept autres candidats et les non-votes non exprimés.

23 En 2017, ce sont toujours les mêmes variables qui prédisent le vote Marine Le Pen au premier tour, chez les femmes comme chez les hommes. Mais l’effet du genre s’est inversé : à positionnement extrême droitier, sentiment anti-européen et ethnocentrisme élevé, les femmes votent en moyenne systématiquement non pas moins, mais plus souvent pour Marine Le Pen que les hommes. Et si la sympathie pour Marine Le Pen joue toujours plus fortement que toutes les autres variables, les écarts entre les sexes sur cet indicateur sont moins importants que ceux générés par les autres attitudes prises en compte. Le tableau est donc plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord.

Vote lepéniste, genre et renouvellement générationnel

24Les modèles de régression présentés dans la première partie de cet article ont deux limites. Ils ne tiennent pas assez compte des potentielles interactions entre âge et genre, et ils ne permettent pas de saisir la variable « âge » dans sa complexité. Celle-ci agrège en effet trois dimensions susceptibles d’avoir des effets distincts : le moment dans un cycle de vie, la période traversée, en l’occurrence le contexte spécifique à l’élection considérée, et la cohorte de naissance, soit le fait d’être né au même moment et d’avoir été marqué par les mêmes événements sociaux, politiques et économiques. Ces trois facteurs temporels (âge, période et cohorte) ne peuvent être distingués dans une analyse qui n’utilise pas des données longitudinales  [47]. C’est donc à déconstruire les effets de l’âge avec des données longitudinales, à l’aide des enquêtes électorales présidentielles françaises de 1988 à 2017  [48], qu’est consacrée cette seconde partie, centrée tout particulièrement sur les effets de période et de cohorte et leurs interactions avec le genre.

25Pour tester nos hypothèses, nous avons créé des tableaux « âge-par-période », qui permettent de faire des statistiques descriptives distinguant les effets d’âge, de période et de cohorte [49]. Les tableaux 5 et 6 présentent les proportions de femmes et d’hommes votant pour Jean-Marie Le Pen puis pour sa fille par groupe d’âge lors des six dernières élections présidentielles en France. Les colonnes présentent le vote Le Pen par âge à chaque élection, les lignes permettent de suivre le vote d’une même tranche d’âge à travers le temps. Enfin, la lecture du tableau en diagonale permet de faire apparaître d’éventuels effets de cohorte, de voir par exemple comment les personnes qui avaient entre 18 et 26 ans lors du scrutin de 1988 votent sept ans plus tard, à l’élection de 1995 quand elles ont entre 26 et 36 ans, puis sept ans après quand elles ont entre 37 et 46 ans, etc. Cependant, il y a deux limites à l’analyse. La réforme de la durée du mandat présidentiel en 2000 a fait passer l’intervalle entre chaque élection de sept à cinq ans, si bien que certaines cohortes se chevauchent dans les catégories d’âges des deux tableaux, à partir de 2007. Et parce que les intervalles entre les élections ont changé, la dernière tranche d’âge est très large, regroupant trois décennies de naissance pour chaque période [50]. Ainsi, les personnes qui ont eu 46 ans en 1998, appartenant à la cohorte née en 1942, se retrouvent dans la catégorie d’âge « 67 et plus » à la fois pour les élections de 2007, 2012 et 2017. Malgré ces imperfections, quelques tendances se dessinent à partir de ces deux tableaux.

26 Tout d’abord, en ce qui concerne l’âge comme moment dans le cycle de vie, les tableaux 5 et 6 montrent de manière générale qu’à travers le temps ses effets ne sont pas linéaires – ni chez les hommes ni chez les femmes. Le vote FN n’est pas systématiquement, contrairement aux idées reçues, un vote « jeune ». Et bien qu’apparaisse un effet d’âge et un « survote » FN parmi les plus jeunes en 1995, chez les électrices comme chez les électeurs, il n’en est pas de même en 2002, où Jean-Marie Le Pen fait ses meilleurs scores chez les femmes de 47 à 56 ans et chez les hommes de 47 à 66 ans. C’est un vote de seniors, dans une élection dominée par le thème de l’insécurité  [51]. Il en va de même en 2007, dans une période de reflux du FN qui n’attire plus à lui les nouvelles générations  [52]. Le vote en sa faveur se maintient surtout dans les tranches d’âge intermédiaires, quel que soit le sexe. Nos modèles de régression sur les deux tours de 2017 (première partie) concluaient à un fort effet d’âge, ceteris paribus. L’analyse longitudinale des effets « âge-période-cohorte » nuance ce résultat (tableaux 5 et 6) en faisant apparaître des fluctuations importantes liées aux élections et à leurs enjeux.

Tableau 5. Proportion de femmes votant Le Pen par cohorte, catégorie d’âge et élection (en pourcentage des suffrages exprimés)

Période
Âge 1988 1995 2002 2007 2012 2017 Moyennes
18-26 8,7 15,9 12,9 9 20,3 31,9 16,5
27-36 8,4 16 11,1 9,6 22,3 25,7 15,5
37-46 9,9 13,2 17,1 10,3 15 20,7 14,4
47-56 9,8 8 20,6 12,4 14,7 27,5 15,5
57-66 8,4 11,2 16 6,6 19,7 19,5 13,6
67 et plus 7,4 7,4 10,8 6,9 13,4 16,2 10,4
Total pour les femmes 8,8 12,3 14,8 9,1 17,5 22,8
tableau im6

Tableau 5. Proportion de femmes votant Le Pen par cohorte, catégorie d’âge et élection (en pourcentage des suffrages exprimés)

Source : Enquêtes électorales françaises de 1988, 1995, 2002, 2007 (Cevipof) ; FES 2012 et 2017 (CEE). Les données sont redressées sur la base des résultats réels de l’élection présidentielle.

27Ensuite, les tableaux 5 et 6 montrent un net effet de période. Chez les femmes comme chez les hommes, le vote Le Pen monte de 1988 à 2002, chute brutalement en 2007 en raison d’un « effet Sarkozy » [53] et remonte à nouveau en 2012 puis 2017. Et hormis l’épisode de 2007, on voit une montée générale du vote Le Pen d’une élection à l’autre, quelle que soit la tranche d’âge et quel que soit le sexe. Néanmoins, cet effet de période n’est pas tout à fait le même pour les femmes et les hommes. Chez ces derniers, le vote Le Pen pour la catégorie d’âge des 18-26 ans a doublé entre 1988 et 2017. Or, il a quadruplé pour les femmes du même groupe d’âge dans la même période. En 1988, le FN ne récoltait que 8,7 % des voix des plus jeunes électrices, vingt-neuf années plus tard, il obtient 31,9 % de leurs voix. Cet effet « genre-période » se voit également dans les catégories les plus âgées : entre 1988 et 2017 la proportion de vote Le Pen chez les femmes entre 47 et 56 ans a triplé, alors que chez les hommes de la même tranche d’âge elle a seulement doublé. Et alors que le vote FN des électeurs les plus âgés n’a augmenté que de 1 à 3 points entre 1988 et 2017, il a doublé dans le même temps chez les électrices les plus âgées. Nos résultats montrent bien qu’il y a ici un effet de période qui est conditionné par le genre. Autrement dit, à travers le temps, le FN a rattrapé son retard chez les électrices de toute catégorie d’âge. Il y a bien eu un effet du contexte de l’élection présidentielle plus marqué chez les femmes que chez les hommes. Et comme c’est essentiellement à partir de 2012 que les différences entre les femmes et les hommes s’estompent, voire s’inversent (tableau 7), la variable décisive derrière cet effet de genre-période semble bien être le remplacement de Jean-Marie Le Pen par sa fille à la tête du parti. Nos résultats confirment encore une fois l’hypothèse d’un « effet Marine Le Pen ». Une inversion des écarts de genre se dessine en 2012, mais s’affirme véritablement en 2017 (tableau 7), où elle s’observe pour quasiment toutes les tranches d’âges et pour quasiment toutes les cohortes.

Tableau 6. Proportion d’hommes votant Le Pen par cohorte, catégorie d’âge et élection (en pourcentage des suffrages exprimés)

Période
Âge 1988 1995 2002 2007 2012 2017 Moyennes
18-26 12,1 21,4 10,3 9,1 26 24,9 17,3
27-36 13,7 21,7 22,2 10,4 20,5 28,7 19,5
37-46 12,9 19,1 18,5 14,7 19,1 24,2 18,1
47-56 15,6 21,5 22,4 10,2 25,4 19,2 19,1
57-66 11,8 14,7 24,3 15,1 16,7 14,5 16,3
67 et plus 13,1 12,3 14,1 14,3 10,4 16,1 13,4
Total pour les hommes 13,1 18,6 19 12,3 19,2 20,1
tableau im7

Tableau 6. Proportion d’hommes votant Le Pen par cohorte, catégorie d’âge et élection (en pourcentage des suffrages exprimés)

Source : Enquêtes électorales françaises de 1988, 1995, 2002, 2007 (CEVIPOF) ; FES 2012 et 2017 (CEE). Les données sont redressées sur la base des résultats réels de l’élection présidentielle.

Tableau 7. Différentiel hommes/femmes pour le vote FN par élection et tranche d’âge (en pourcentage des suffrages exprimés)

Période
Âge 1988 1995 2002 2007 2012 2017
18-26 3,4 5,5 – 2,6 0,1 5,7 – 7
27-36 5,3 5,7 11,1 0,8 – 1,8 3
37-46 3 5,9 1,4 4,4 4,1 3,5
47-56 5,8 13,5 1,8 – 2,2 10,7 – 8,3
57-66 3,4 3,5 8,9 8,5 – 3 – 5
67 et plus 5,7 4,9 3,3 7,4 – 3 – 0,1
Différence totale 4,3 6,3 4,2 3,2 1,7 – 2,7
tableau im8

Tableau 7. Différentiel hommes/femmes pour le vote FN par élection et tranche d’âge (en pourcentage des suffrages exprimés)

Source : Enquêtes électorales françaises de 1988, 1995, 2002, 2007 (Cevipof) ; FES 2012 et 2017 (CEE). Les données sont redressées sur la base des résultats réels de l’élection présidentielle.

28Toutefois, deux cohortes en particulier sortent du commun : les deux dernières, celles qui votent pour la première fois en 2012 ou en 2017 (tableaux 5-7). Le vote des jeunes Françaises, qui était toujours resté en dessous du seuil de 16 % depuis 1988, augmente considérablement en 2012 et explose véritablement en 2017. Presque 32 % des femmes âgées de 18 à 26 ans ont donné leur voix à Marine Le Pen au dernier scrutin présidentiel et surtout dans une proportion beaucoup plus élevée que chez leurs homologues masculins. L’écart lié au genre pour cette catégorie d’âge s’inverse et s’élève à sept points de pourcentage (tableau 7). Dans cette jeune cohorte, nouvelle venue sur la scène électorale, née à la fin des années 1980 ou au début des années 1990, qui n’a connu que le FN mariniste, le vote Le Pen est devenu très majoritairement un vote féminin, c’est le Radical Right Gender Gap à l’envers. Dit autrement, au premier tour du scrutin présidentiel de 2002, les femmes représentaient 43,5 % de l’électorat lepéniste de premier tour, la moitié en 2012, elles sont 56 % en 2017 [54].

Genre, traits de personnalité et vote Le Pen des femmes et des hommes

29Parmi les facteurs susceptibles, à l’inverse, de pérenniser la réticence des femmes à soutenir une droite radicale comme le FN, il y a les traits de personnalité. Ainsi, les femmes, on l’a vu, seraient plus enclines au contrôle de soi, donc plus respectueuses des conventions sociales et moins portées à des comportements extrêmes et hors-normes. Cela peut être un reflet d’un trait de personnalité et/ou d’une socialisation différente des garçons et des filles. Pour la personnalité, on peut le vérifier grâce au test de personnalité dit des Big Five évoqué plus haut. L’enquête FES 2017 inclut une version simplifiée en dix items de l’Inventaire de personnalité (TIPI) (cf. annexe). Sur cet indicateur, les femmes effectivement se distinguent des hommes par des scores un peu plus élevés sur les traits d’amabilité et d’extraversion, tandis que les hommes ont un score plus élevé sur le trait de stabilité émotionnelle. Dans quelle mesure ces traits influencent-ils le vote en faveur de Marine Le Pen ?

30 Nous l’avons testé par une série de régressions logistiques qui évaluent le potentiel explicatif des Big Five[55] pour le vote Marine Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 (tableau 8). Elles testent d’abord les Big Five seules (modèle 1), puis ajoutent tour à tour les variables socio-démographiques (modèle 2) et les attitudes ethnocentristes et autoritaires (modèle 3). Ensuite on a fait une régression sépare pour les hommes (modèle 4) et pour les femmes (modèle 5). Enfin, on teste l’interaction entre genre et traits de personnalité sur l’électorat total (modèle 6).

Tableau 8. Régression logistique sur le vote Marine Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 incluant les traits de personnalité

Modèle 1 B(es) Modèle 2 B(es) Modèle 3 B(es) Modèle 4 (H) B (es) Modèle 5 (F) B(es) Modèle 6 B (es)
Big Five
Extraversion – 0,028(0,06) – 0,024(0,06) – 0,016(0,07) – 0,053(0,12) 0,021(0,10) 0,021(0,10)
Amabilité 0,086(0,07) – 0,014(0,07) – 0,070(0,09) – 0,510(0,13) – 0,085(0,12) – 0,073(0,12)
Contrôle de soi 0,091(0,06) 0,124(0,07) 0,052(0,08) 0,150(0,13) – 0,045(0,12) – 0,012(0,11)
Stabilité – 0,134(0,05)* – 0,078(0,05) – 0,080(0,06) – 0,247(0,10)* 0,043(0,09) 0,043(0,08)
Ouverture – 0,025(0,06) – 0,050(0,06) 0,158(0,07)* 0,269(0,12)* 0,079(0,10) 0,081(0,10)
Big Five*Genre  [56]
Extraversion*Genre – 0,069(0,15)
Amabilité*Genre – 0,005(0,18)
Contrôle de soi*Genre 0,169(0,17)
Stabilité*Genre – 0,299(0,13)*
Ouverture*Genre 0,168(0,15)
Attitudes
Ethnocentrisme 0,312(0,02)*** 0,337(0,04)*** 0,302(0,03)*** 0,312(0,02)***
Autoritarisme 0,540(0,08)*** 0,546(0,12)*** 0,605(0,12)*** 0,560(0,08)***
Genre
Homme – 0,122(0,15) ­ – 0,183(1,37)
Femme ­ 0,083(0,17) ­
Âge
18-24 1,555(0,29)*** 1,915(0,35)*** 1,876(0,49)*** 2,002(0,53)*** 1,915(0,35)***
25-34 1,422(0,27)*** 1,725(0,32)*** 1,654(0,48)** 1,803(0,45)*** 1,749(0,32)***
35-49 1,317(0,24)*** 1,743(0,28)*** 1,698(0,43)*** 1,922(0,40)*** 1,760(0,28)***
50-64 0,658(0,21)** 0,862(0,25)** 0,766(0,37)* 0,969(0,35)** 0,861(0,25)**
65 et plus ­ ­ ­ ­ ­
Niveau d’étude
Primaire,pas d’études 2,419(0,26)*** 1,277(0,31)*** 1,102(0,45) 1,373(0,46)** 1,269(0,32)***
BEPC 1,415(0,30)*** 0,500(0,36) – 0,006(0,64) 0,838(0,47) 0,549(0,36)
CAP 1,676(0,21)*** 0,747(0,25)** 0,497(0,37) 0,993(0,37)** 0,783(0,20)**
Bac professionnel 1,280(0,24)*** 0,655(0,28)* – 0,171(0,42) 1,395(0,41)** 0,660(0,28)*
Bac général – 0,325(0,40) – 0,773(0,46) 0,034(0,69) – 1,109(0,65) – 0,758(0,46)
Enseignement supérieur ­ ­ ­ ­
Religion
Catholique pratiquant régulier – 0,360(0,37) – 0,636(0,43) – 1,290(0,82) – 0,160(0,53) – 0,601(0,43)
Catholique pratiquant irrégulier 0,415(0,24) 0,006(0,29)** – 1,105(0,52)* 0,603(0,37) 0,001(0,29)
Non pratiquant 0,110(0,16) – 0,171(0,20) – 0,340(0,30) – 0,044(0,28) – 0,173(0,20)
Autre religion – 1,071(0,40)** – 0,927(0,46)* – 0,766(0,58) – 1,775(1,06) – 0,973(0,46)*
Sans religion ­ ­ ­ ­
Constante – 1,464(0,54)** – 3,90(0,64)*** – 8,465(0,85)*** – 8,598(1,33)*** – 8,590(1,18)*** – 8,394(1,04)***
N 1414 1414 1414 650 764 1414
Log vraisemblance – 713,862 – 627,036 – 455,437 – 200,238 – 240,337 – 451,936
X2 (df) 9,85(5) 183,51(19)*** 526,70(21)*** 230,16 (20)*** 324,24(20)*** 533,65(26)***
R2 0,006 0,127 0,3666 0,365 0,402 0,371
tableau im9

Tableau 8. Régression logistique sur le vote Marine Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 incluant les traits de personnalité

Source : FES 2017. Données non pondérées. Avec *p < 0,05 ; **p < 0,010 ; ***p < 0,001.

31 Contrairement aux hypothèses de départ, ni le contrôle de soi qui favorise le conformisme et le conservatisme social, ni l’amabilité qui éloigne les individus des comportements conflictuels, tels que voter pour un candidat radical, ne semblent avoir un impact sur le vote Marine Le Pen. En revanche, l’instabilité émotionnelle a un impact direct sur le vote lepéniste, une fois contrôlés par les facteurs socio-démographiques et attitudinaux, mais seulement chez les hommes (modèles 4 et 5), tandis qu’un plus haut niveau d’ouverture augmente la probabilité de voter pour elle (modèle 3), mais uniquement chez les hommes (modèles 4 et 5).

32 L’impact de l’ouverture d’esprit à première vue contre-intuitif pourrait faire sens. Une personnalité ouverte n’est pas nécessairement plus tolérante envers les minorités, elle est plus encline à accepter la nouveauté, quelle qu’elle soit. À cet égard, Marine Le Pen, par sa posture antisystème et sa mise en avant d’idées radicales, a pu trouver écho auprès d’une certaine catégorie d’électeurs qui y voient un choix « non conventionnel » répondant à leur particularité psychologique. Et cette tendance se trouverait contrariée, chez les femmes, par leur intériorisation plus forte des normes sociales. Mais en fait, la relation entre niveau d’ouverture et vote pour Marine Le Pen n’est statistiquement significative que dans la régression effectuée sur l’électorat masculin (modèle 4), elle disparaît quand on teste l’interaction entre trait d’ouverture et genre sur l’ensemble de l’électorat (modèle 6).

33En revanche, l’impact de la stabilité émotionnelle apparaît statistiquement plus robuste. Les régressions logistiques chez les électeurs (modèle 4) et chez les électrices (modèle 5) montrent que l’instabilité émotionnelle accroît la probabilité de voter Marine Le Pen mais uniquement chez les hommes, toutes choses égales par ailleurs, et que cet effet se confirme même une fois introduite dans le modèle l’interaction entre genre et trait de personnalité (modèle 6). Néanmoins, le niveau d’ethnocentrisme et d’autoritarisme des personnes interrogées reste de loin les facteurs les plus déterminants de ce vote  [57].

34Finalement, l’impact des traits de personnalité sur le vote Marine Le Pen diffère selon le genre. Bien qu’en moyenne les femmes présentent un niveau d’ouverture plus élevé, ce trait n’influence pas leur vote. Tandis que l’instabilité émotionnelle n’a aucune influence sur la probabilité des femmes à voter pour Marine Le Pen, elle ne joue que chez les hommes [58]. Si le RRGG semble avoir disparu en 2017, il n’empêche que le vote Le Pen des hommes et des femmes ne s’explique pas tout à fait par les mêmes traits psychologiques.

35Ce sont des premiers résultats. Ils incitent à aller plus loin. D’abord à dépasser le débat, un peu stérile, autour de l’existence ou l’inexistence d’un RRGG et à regarder comment le genre influence les autres choix électoraux, de gauche et de droite. Aux côtés du RRGG subsistent, surtout dans les générations intermédiaires, un gender gap « moderne », ou survote féminin de gauche, en particulier socialiste, ainsi qu’un gender gap traditionnel, ou survote conservateur. Chacun de ces gender gap a une dynamique générationnelle propre, qu’on ne peut développer ici  [59]. Il faudrait aussi, dans une perspective intersectionnaliste, croiser systématiquement les effets de cohorte sur le comportement électoral avec ceux de la classe sociale, de la religion, du diplôme, de l’origine. Et il faudrait prendre en compte les valeurs – économiques, culturelles, morales qui sous-tendent ces clivages générationnels, comme l’ont fait Vincent Tiberj dans Les citoyens qui viennent, ou Florent Gougou dans son analyse du vote ouvrier sous la Cinquième République  [60]. Il faudrait enfin vérifier si cette érosion du RRGG se confirme en France dans l’intervalle des élections présidentielles, lors de scrutins moins personnalisés et moins mobilisateurs, et si elle s’observe ailleurs.

36Mais d’ores et déjà, nos données permettent d’affirmer qu’un processus d’érosion du Radical Right Gender Gap est en cours en France. Aux deux derniers scrutins présidentiels, on n’observe plus de différence statistiquement significative entre le niveau global de soutien des électeurs et des électrices à la candidate du FN. Mieux, dans les nouvelles cohortes qui arrivent à l’âge de voter depuis 2012, qui n’ont connu du FN que sa nouvelle présidente, le différentiel hommes-femmes s’est inversé. En 2017, le vote Marine Le Pen frôle 32 % au premier tour chez les électrices de moins de 26 ans, soit sept points de plus que chez leurs homologues masculins. Dans cette tranche d’âge, le niveau de soutien à la droite radicale incarnée par le FN a quadruplé par rapport à 1988, alors que chez les hommes, il n’a fait que doubler. La stratégie de conquête de l’électorat féminin engagée par la présidente du FN a payé, elle a permis un rattrapage puis une inversion du RRGG chez les plus jeunes. Même la mauvaise performance de Marine Le Pen lors du débat d’entre les deux tours avec Emmanuel Macron, où elle est apparue à la fois agressive et incompétente, n’a pas stoppé ce processus de rattrapage, il l’a juste ralenti. Au second tour, dans la cohorte la plus jeune, on observe encore un léger survote féminin (+0,3 %, contre 7 % au premier tour). Enfin, le fait que les traits de personnalité, qui structurent pourtant durablement nos manières de penser et d’agir, n’aient pas d’impact direct sur le comportement électoral rappelle encore une fois l’importance des facteurs de l’offre politique : candidats en présence, enjeux mis en avant, contexte spécifique à l’élection. La dimension genrée de ces facteurs, comme l’impact du style et de la rhétorique d’une leader féminine ou encore le rôle et positionnement des enjeux de genre dans le programme politique des partis de la droite radicale, est encore peu abordée par la littérature, mais semble, au vu de nos résultats, essentielle. Par deux fois, Marine Le Pen a réussi à vaincre la réticence des électrices à son égard, en particulier dans les milieux populaires (employées, ouvrières), en présentant une image différente de celle de son père et en s’adressant directement à elles. Reste à savoir – si elle est réélue présidente lors du congrès de refondation du FN prévu pour mars 2018 – si elle persévérera dans cette voie  [61].

Les échelles d’attitudes

37 Échelle gauche droite de 0 « très à gauche » à 10 « très à droite » recodée 1-11, SR à la moyenne (6).

38 Sympathie pour Marine Le Pen de 0 « n’aime pas du tout » à 10 « aime beaucoup », recodée 1-11, SR à la moyenne (3).

39 Libéralisme culturel (4-16). Somme des réponses aux quatre questions recodées dans le sens d’une permissivité croissante, SR à la moyenne : « l’homosexualité est une manière acceptable de vivre sa sexualité », « il est normal que des couples homosexuels puissent adopter des enfants », « la femme est faite avant tout pour avoir des enfants et les élever », « il est normal qu’une femme puisse choisir d’avorter » (de « tout à fait d’accord » à « pas du tout d’accord »).

40 Ethnocentrisme (4-19). Somme des réponses aux quatre questions recodées dans le sens d’une intolérance croissante, SR à la moyenne : « il y a trop d’immigrés en France », « en général la culture française est menacée par les immigrés », « les immigrés font augmenter le taux de criminalité », « de nombreux immigrés viennent en France uniquement pour profiter de la sécurité sociale » (de « tout à fait d’accord » à « pas du tout d’accord » pour le premier item, modalité supplémentaire dans les trois autres « ni d’accord ni pas d’accord »).

41 Libéralisme économique (4-13). Somme des réponses aux quatre questions recodées dans le sens d’un libéralisme croissant, SR à la moyenne : « pour faire face aux difficultés économiques pensez-vous qu’il faut que l’État fasse confiance aux entreprises et leur donne plus de liberté, ou au contraire que l’État les contrôle et les réglemente plus étroitement ? », « pensez-vous qu’il faut accorder la priorité dans les prochaines années à la compétitivité de l’économie française, ou bien à l’amélioration de la situation des salariés ? », « le gouvernement devrait prendre des mesures pour réduire les écarts de revenus », « pour établir la justice sociale, il faudrait prendre aux riches pour donner aux pauvres » (de « tout à fait d’accord » à « pas d’accord du tout).

42 Sentiment anti européen (4-15). Somme des réponses aux quatre questions recodées dans le sens d’un rejet croissant de l’Union européenne, SR à la moyenne : « pensez-vous que pour la France faire partie de l’Union européenne est une bonne chose, une mauvaise chose, ou une chose ni bonne ni mauvaise ? », « tout bien considéré estimez-vous que la France a bénéficié ou non de son appartenance à l’Union européenne ? Oui elle en a bénéficié/Non elle n’en a pas bénéficié », « il faut renforcer les pouvoirs de décision de l’Europe même si cela doit conduire à réduire l’indépendance de la France », « l’intégration européenne empêche la démocratie de bien fonctionner actuellement en France » (de « tout à fait d’accord » à « plutôt pas d’accord » + modalité « ni d’accord ni pas d’accord »).

43Les Big Five

44 La batterie Ten Items Personality Inventory (TIPI) est construite à partir de la question suivante : « Dans quelle mesure les paires de mots suivantes vous décrivent-elles bien ou pas, même si un de ces mots vous correspond mieux. Je me vois comme étant : 1/ extraverti, enthousiaste ; 2/ critique, réservé ; 3/ fiable, discipliné ; 4/ anxieux, facilement irritable ; 5/ ouvert à de nouvelles expériences, créatif ; 6/ réservé, tranquille ; 7/ sympathique, chaleureux ; 8/ désorganisé, insouciant ; 9/ calme, relaxé ; 10/ conventionnel, peu imaginatif ».

45 Sept catégories de réponses sont proposées mesurant l’intensité de l’adhésion : « 1/ très mal » ; « 2/ mal » ; « 3/ plutôt mal » ; « 4/ ni bien ni mal » ; « 5/ plutôt bien » ; « 6/ bien » ; « 7/ très bien ».

46 Chaque trait est mesuré par deux couples d’items, l’un mesurant le trait l’autre son inverse, négativement corrélés. Par exemple, une personne extravertie aura un score élevé sur le couple d’items 1 (« extraverti, enthousiaste ») et un score faible sur le couple d’items 6 (« réservé, tranquille »). Les scores individuels des répondants pour chacun des cinq traits sont donc mesurés en faisant la somme du score obtenu sur le premier couple d’item (de 1 à 7) et du score inversé (1=7 ; 2=6, etc.) sur le second couple d’items.

Tableau 9. Le calcul des scores pour les Big Five

Big Five Couple d’items utilisés Modalités de calcul des Big Five
Extraversion 1/ Extraverti, enthousiaste6/ Réservé, tranquille (recodé selon l’échelle inverse) Score extraversion = score item 1 + score item 6 inversé / 2
Amabilité 2/ Critique, réservé (recodé selon l’échelle inverse)7/ Sympathique, chaleureux Score amabilité = score item 2 inversé + score item 7 / 2
Stabilité émotionnelle 4/ Anxieux, facilement irritable (recodé selon l’échelle inverse)9/ Calme, relaxé Score stabilité émotionnelle = score item 4 inversé + score item 9 / 2
Ouverture 5/ Ouvert à de nouvelles expériences, créatif10/ Conventionnel, peu imaginatif (recodé selon l’échelle inverse) Score ouverture = score item 5 + score item 10 inversé / 2
Contrôle social 3/ Fiable, discipliné8/ Désorganisé, insouciant (recodé selon l’échelle inverse) Score contrôle social = score item 3 + score item 8 inversé / 2
tableau im10

Tableau 9. Le calcul des scores pour les Big Five

47Les coefficients alpha pour l’ensemble des paires d’items composant chacun des Big Five sont faibles (inférieur à 0,50). Mais les coefficients alpha ont tendance à sous-évaluer le niveau de fiabilité des échelles ordinales  [62]. Et la nature même de la batterie TIPI utilisée dans notre enquête est une batterie simplifiée ne retenant que deux items pour mesurer chaque trait de personnalité.

Tableau 10. Score moyen sur les Big Five selon le genre

Amabilité Extraversion Contrôle social Stabilité émotionnelle Ouverture
Femme (F) 5,36 3,94 5,52 4,70 5,00
Homme (H) 5,15 3,69 5,24 4,29 4,90
Différence F-H + 0,21 + 0,25 + 0,28 – 0,41 – 0,10
tableau im11

Tableau 10. Score moyen sur les Big Five selon le genre

Notes

  • [1]
    Cf. notamment l’ouvrage précurseur de Hans-Georg Betz, Radical Right-Wing Populism in Western Europe, New York, Saint Martin’s Press, 1994. Pour un bilan récent de l’impact politique du genre, cf. le numéro spécial « Gender and Populist Radical-Right Politics », Patterns of Prejudice, 49 (1-2), 2015.
  • [2]
    Terri Givens, « The Radical Right Gender Gap », Comparative Political Studies, 37 (1), 2004, p. 30-54.
  • [3]
    Cf. notamment Nonna Mayer, « The Closing of the Radical Right Gender Gap in France ? », French Politics, 13 (4), 2015, p. 391-414, et « Les électeurs du Front national (2012-2015) », dans Florent Gougou, Vincent Tiberj (dir.), La déconnexion électorale. Un état des lieux de la démocratie française, Paris, Fondation Jean-Jaurès, 2017, p. 69-76 ; Réjane Sénac, Maxime Parodi, « “Gender Gap à la française” : recomposition ou dépassement ? », Revue française de science politique, 63 (2), avril 2013, p. 225-248.
  • [4]
    Pour une introduction à la mobilisation des traits de personnalité dans l’analyse des comportements politiques, cf. Alan S. Gerber, Gregory A. Huber, David Doherty, Conor M. Dowling, « The Big Five Personality Traits in the Political Arena », The Annual Review of Political Science, 14, 2011, p. 265-287.
  • [5]
    Deux attitudes au cœur du vote pour les droites radicales, comme le montre Cas Mudde dans Populist Radical Right Parties in Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 23.
  • [6]
    Cf. notamment Daniel Oesch, « Explaining Voters’ Support for Right-Wing Populist Parties in Western Europe : Evidence from Austria, Belgium, France, Norway and Switzerland », International Political Science Review, 29 (3), 2008, p. 348-373 ; Simon Bornschier, Hanspeter Kriesi, « The Populist Right, the Working Class, and the Changing Face of Class Politics », dans Jens Rydgren (ed.), Class Politics and the Radical Right, Abingdon, Routledge, 2012, p. 10-29 ; Dennis Spies, « Explaining Working-Class Support for Extreme Right Parties : A Party Competition Approach », Acta Politica, 48, 2013, p. 296-325.
  • [7]
    Sur les relations complexes entre ouvriers français et immigrés à l’usine, cf. l’enquête de Stéphane Beaud, Michel Pialoux, Retour sur la condition ouvrière. Enquête aux usines Peugeot de Sochaux-Montbéliard, Paris, La Découverte, 2012.
  • [8]
    Pascal Perrineau, Le Symptôme Le Pen. Radiographie des électeurs du Front national, Paris, Fayard, 1997, p. 105-107.
  • [9]
    Sur la question de l’éducation genrée des filles (et garçons), cf. Barrie Thorne, Gender Play. Girls and Boys in School, New Brunswick, Rutgers University Press, 1993 ; Anne Dafflon Novelle (dir.), Filles-garçons. Socialisation différenciée ?, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2006 ; Muriel Darmon, La socialisation, Paris, Armand Colin, 2006.
  • [10]
    Sur la conformité plus marquée des femmes aux normes antiracistes, cf. Eelco Harteveld, Elisabeth Ivarsflaten, « Why Women Avoid the Radical Right : Internalized Norms and Party Reputations », British Journal of Political Science, octobre 2016, p. 1-16. Sur leur moindre propension à voter pour des partis socialement stigmatisés, cf. les expériences menées par Eelco Harteveld avec Wouter Van Der Brug, Stefan Dahlberg, Andrej Kokkonen, « The Gender Gap in Voting : Extremity, Ambiguity and Social Cues », Conférence de l’ECPR, Bordeaux, 5-7 septembre 2013.
  • [11]
    Tim Immerzeel, Hilde Coffé, Tanja Van der Lippe, « Explaining the Gender Gap in Radical Right Voting : A Cross National Investigation in 12 Western-European Countries », Comparative European Politics, 13 (2), 2015, p. 263-286.
  • [12]
    T. Immerzeel et al., ibid.
  • [13]
    Thomas Amossé, Olivier Chardon, « Les travailleurs non qualifiés : une nouvelle classe sociale ? », Économie et Statistique, 393-394, 2006, p. 203-229. Cf. aussi Martin Thibault, Ouvriers malgré tout. Enquête sur les ateliers de maintenance des trains de la Régie autonome des transports parisiens, Paris, Raisons d’agir, 2013.
  • [14]
    T. Amossé, O. Chardon, « Les travailleurs non qualifiés ... », art. cité, p. 222-224.
  • [15]
    Nonna Mayer, Guy Michelat, « Les transformations du rapport à l’autre : le rôle des identités politiques et religieuses », dans Commission nationale consultative des droits de l’homme. La Lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, Paris, La Documentation française, 2007, p. 122-138 ; Guy Michelat, Claude Dargent, « Système catholique symbolique et comportements électoraux », Revue française de science politique, 65 (1), février 2015, p. 27-60. Toutefois, depuis l’élection du pape François en 2013, incarnant un catholicisme plus ouvert, cette corrélation a disparu.
  • [16]
    Alexandre Dézé, « “La dédiabolisation”. Une nouvelle stratégie ? », dans Sylvain Crépon, Alexandre Dézé, Nonna Mayer (dir.) Les faux-semblants du Front national. Sociologie d’un parti politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2015, p. 27-50.
  • [17]
    Sur la féminisation de l’enjeu migratoire par ces partis, cf. Sarah de Lange, Liza Mügge, « Gender and Right-Wing Populism in the Low Countries : Ideological Variations across Parties and Times », Patterns of Prejudice, 49 (1-2), 2015, p. 61-80. Sur le FN, cf. Sylvain Crépon, « La politique des mœurs au Front national », dans S. Crépon et al. (dir.), Les faux-semblants du Front national..., op. cit., p. 185-205.
  • [18]
    Susi Meret, « Charismatic Female Leadership and Gender : Pia Kjærsgaard and the Danish People’s Party », Patterns of Prejudice, 49 (1-2), 2015, p. 81-102. L’auteure montre que, dans les études de l’impact du genre sur le vote pour les droites radicales populistes, celui du positionnement des partis sur les enjeux de genre reste peu exploré, encore moins l’impact de la rhétorique, du style, du charisme et du discours des leaders populistes féminines.
  • [19]
    Sur la base des enquêtes Emploi de l’Insee en 2016, dans la population de 15 ans et plus, on compte 76 % de femmes chez les employés, proportion montant à 86 % dans le secteur des services, et 80 % d’hommes chez les ouvriers, proportion montant à 87 % chez les ouvriers qualifiés (<https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381478>).
  • [20]
    Mariette Sineau, « Vote/comportements politiques », dans Catherine Achin, Laure Bereni (dir.), Dictionnaire. Genre et science politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2013, p. 526-527.
  • [21]
    Marine Le Pen, À contre flots, Paris, Grancher, 2006, p. 188. Même si son féminisme est tout relatif, comme le montrent Catherine Achin, Sandrine Lévêque, « “Jupiter is Back” : Gender in the 2017 French Presidential Campaign », French Politics, 15 (3), 2017, p. 279-289.
  • [22]
    Cf. C. Achin, S. Lévêque, ibid., p. 284.
  • [23]
    Cf. ses « 144 engagements présidentiels », l’engagement no 9 : <https://www.marine2017.fr/wp-content/uploads/2017/02/projet-presidentiel-marine-le-pen.pdf>.
  • [24]
    <http://lelab.europe1.fr/karine-le-marchand-la-feminite-et-des-oublis-ce-tract-un-tout-petit-peu-surprenant-de-marine-le-pen-2969387>.
  • [25]
    Eelco Harteveld, Wouter Van Der Brug, Stefan Dahlberg, Andrej Kokkonen, « The Gender Gap in Populist Radical-Right Voting : Examining the Demand Side in Western and Eastern Europe », Patterns of Prejudice, 49 (1-2), 2015, p. 103-134.
  • [26]
    Sur les effets genre et génération dans les comportements électoraux en France, cf. Mariette Sineau, « Effets de genre, effets de génération ? Le vote hommes/femmes à l’élection présidentielle 2007 », Revue française de science politique, 57 (3), juin 2007, p. 353-369.
  • [27]
    Cf. Alexandre Dézé, « La construction médiatique de la “nouveauté ? FN », dans S. Crépon et al. (dir.), Les faux-semblants du Front national..., op. cit., p. 455-504.
  • [28]
    E. Harteveld, E. Ivarsflaten, « Why Women Avoid the Radical Right... », art. cité. Sur l’indicateur de « motivation implicite à contrôler le préjugé » (IMCP), cf. Scott Blinder, Robert Ford, Elisabeth Ivarsflaten, « The Better Angels of Our Nature : How the Antiprejudice Norm Affects Policy and Party Preferences in Great Britain and Germany », American Journal of Political Science, 57 (4), 2013, p. 841-857.
  • [29]
    Dans Shang E. Ha, Seokho Kim, Se Hee Jo, « Personality Traits and Political Participation : Evidence from South Korea », Political Psychology, 34 (4), 2013, p. 511-532, dont p. 512.
  • [30]
    Markus Freitag, Kathrin Ackermann, « Direct Democracy and Institutional Trust : Relationships and Differences Across Personality Traits », Political Psychology, 37 (5), 2016, p. 707-723, dont p. 710.
  • [31]
    A. S. Gerber et al., « The Big Five Personality Traits in the Political Arena », art. cité.
  • [32]
    S. E. Ha et al., « Personality Traits and Political Participation... », art. cité.
  • [33]
    A. S. Gerber et al., « The Big Five Personality Traits in the Political Arena », art. cité ; Lewis R. Goldberg, « The Development of Markers for the Big-Five Factor Structure », Psychological Assessment, 4 (1), 1992, p. 26-42.
  • [34]
    Dans les travaux de psychologie française le facteur « agreeableness » est traduit par « agréabilité ». Nous avons préféré le traduire par « amabilité ». Sur la question des différentes facettes de chacun des traits de personnalité et leur traduction en français cf. : Odile Plaisant, Julie Guertault, Robert Courtois, Christian Réveillère, Gerald A. Mendelsohn, Oliver P. John, « Histoire des “Big Five” : OCEAN des cinq grands facteurs de la personnalité. Introduction du Big Five Inventory français ou BFI-Fr », Annales médico-psychologiques, 168 (7), 2010, p. 481-486.
  • [35]
    Dans la même optique, nous privilégions la traduction « contrôle de soi » au lieu de « conscience » qui prévaut dans la littérature.
  • [36]
    Harald Schoen, Markus Steinbrecher, « Beyond Total Effects : Exploring the Interplay of Personality and Attitudes in Affecting Turnout in the 2009 German Federal Election », Political Psychology, 34 (4), 2013, p. 533-552, p. 535.
  • [37]
    Pour plus de détails sur l’utilisation des Big Five dans l’analyse des comportements politiques, cf. A. S. Gerber et al., « The Big Five Personality Traits in the Political Arena », art. cité. Cf. aussi Mathias Fatke, « Personality Traits and Political Ideology : A First Global Assessment », Political Psychology, 38 (5), 2017, p. 881-889.
  • [38]
    Enquête coordonnée par Nicolas Sauger au Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po, conduite par Kantar TNS en face-à-face, auprès d’un échantillon national construit sur quotas (sexe, âge, diplôme, profession de la personne de référence et régions SOFOP) de 1 830 personnes représentatives de l’électorat inscrit résidant en France métropolitaine, administré dans les quinze jours suivant le second tour de l’élection présidentielle de 2017. Les tableaux présentant les votes sont redressés en fonction des résultats réels à chaque tour et de la structure socio-démographique. Les régressions en revanche sont effectuées sur la base des données non pondérées. Les données ont été disponibles en juillet. C’est donc les tout premiers résultats qui sont présentés ici. Cf. Florent Gougou, Nicolas Sauger, « The 2017 French Election Study (FES 2017) : A Post-Electoral Cross-Sectional Survey », French Politics, 15 (3), 2017, p. 360-370.
  • [39]
    N. Mayer, « Les électeurs du Front national... », cité. p. 75.
  • [40]
    « Vous n’êtes pas allé voter, vous avez pensé aller voter, mais finalement vous n’y êtes pas allé, vous allez généralement voter, mais cette fois vous n’y êtes pas allé/vous avez voté » (un seul refus de répondre à cette question sur les 1 830 personnes de l’échantillon).
  • [41]
    Cf. le détail des échelles en annexe.
  • [42]
    Pour une comparaison avec les élections précédentes avec les mêmes variables sur la base de résultats des régressions logistiques binaires, cf. N. Mayer, « The Closing of the Radical Right Gender Gap... », art. cité, et « Les électeurs du Front national... », cité.
  • [43]
    Pour des raisons de place, elle ne figure pas dans l’article, elle est disponible sur demande.
  • [44]
    Dans toutes nos régressions le sexe est utilisé comme proxy pour la variable genre. Sur le traitement du genre dans les enquêtes statistiques en sciences sociales plus générale, cf. Laurel Westbrook, Aluia Saperstein, « New Categories are not Enough : Rethinking the Measurement of Sex and Gender in Social Surveys », Gender & Society, 29 (4), 2015, p. 534-560.
  • [45]
    N. Mayer, « The Closing of the Radical Right Gender Gap... », art. cité, p. 405-406. Pour ne pas rallonger l’article, la sympathie pour Marine Le Pen ne figure pas dans le modèle de régression logistique multinomiale pour 2017 (tableau 4). Les résultats sont disponibles sur demande. L’inclusion de cette variable augmente la puissance explicative du modèle (le R2 de Nagelkerke passe à 0,66), accroissant fortement les probabilités de vote pour la candidate du FN, toutes choses égales par ailleurs, et inversement diminuant celles de voter pour Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron et surtout François Fillon.
  • [46]
    Confirmant ainsi les résultats d’E. Harteveld, W. Van Der Brug, S. Dahlberg, A. Kokkonen, « The Gender Gap in Populist Radical-Right Voting... », art. cité.
  • [47]
    Même lorsqu’on dispose de données longitudinales, aucun modèle de régression ne peut traiter ces trois variables ensemble (âge, période et cohorte), car elles sont strictement colinéaires entre elles. Il est donc formellement impossible de modéliser leurs effets respectifs à moins d’imposer certaines restrictions au modèle. Sur la problématique des analyses dites « APC », cf. Anja Neundorf, Richard Niemi, « Beyond Political Socialization : New Approaches to Age, Period, Cohort Analysis », Electoral Studies, 33, 2014, p. 1-6.
  • [48]
    Enquêtes électorales françaises de 1988, 1995, 2002, 2007 (Cevipof) ; FES 2012 et 2017 (CEE).
  • [49]
    Yang Yang, Kenneth C. Land, Age-Period-Cohort Analysis. New Models, Methods, and Empirical Applications, Boca Raton, CRC Press, 2013.
  • [50]
    Ce recodage est nécessaire à cause du faible nombre d’effectifs dans cette catégorie.
  • [51]
    Des faits divers, comme par exemple l’agression de Paul Voise, ont marqué le contexte de cette élection. Cf. Nonna Mayer, Ces Français qui votent Le Pen, Paris, Flammarion, 2002, p. 351-355.
  • [52]
    Nonna Mayer, « Comment Nicolas Sarkozy a rétréci l’électorat Le Pen », Revue française de science politique, 57 (3), juin 2007, p. 429-445.
  • [53]
    N. Mayer, ibid.
  • [54]
    Proportions calculées sur la base des données redressées.
  • [55]
    Pour les coefficients alpha et les modalités de calcul des Big Five à partir de la batterie de questions dite Ten Items Personality Inventory (TIPI) utilisée par la FES 2017 : cf. l’annexe.
  • [56]
    La catégorie de référence est celle des femmes.
  • [57]
    Nous avons vérifié s’il n’y avait pas des problèmes de multi-colinéarité, soit de fortes corrélations entre traits de personnalité et attitudes d’ethnocentrisme et d’autoritarisme : tel n’est pas le cas. Tous les coefficients dits de tolérance pour les variables d’attitudes et pour les Big Five du modèle sont supérieurs à 0.70, soit bien au-dessus du seuil de 0.10 qui serait synonyme de multi-colinéarité. Nous avons également exploré d’éventuelles interactions entre traits de personnalité et attitudes, non présentées ici faute de place et non concluantes, qu’il faudrait tester à l’aide de techniques statistiques plus poussées.
  • [58]
    Des tests additionnels démontrent que l’ouverture et le contrôle de soi influencent également les niveaux d’ethnocentriste et d’autoritarisme, même une fois contrôlés par l’âge, le genre, l’éducation et la religiosité. En d’autres termes, il y aurait un impact indirect de ces traits de personnalité qui s’exerce à travers les attitudes par un effet d’intermédiation conformément à notre hypothèse de départ. Les résultats de ces tests sont disponibles sur demande auprès des auteur.e.s.
  • [59]
    Résultats des tableaux « âge-par-période » pour d’autres partis politiques de droite et de gauche disponibles sur demande.
  • [60]
    Vincent Tiberj, Les citoyens qui viennent. Comment le renouvellement générationnel transforme la politique en France, Paris, PUF, 2017, en particulier p. 236-241 sur les valeurs portant le vote FN des nouvelles cohortes ; Florent Gougou, « Comprendre les mutations du vote des ouvriers : vote de classe, transformation des clivages et changement électoral en France et en Allemagne depuis 1945 », thèse de doctorat en science politique, Paris, Sciences Po Paris, 2012 ; Florent Gougou, Nonna Mayer, « The Class Basis of Extreme Right Voting in France : Generational Replacement and the Rise of New Cultural Issues (1984-2007) », dans Jens Rydgren (dir.), Class Politics and the Radical Right, Abingdon, Routledge, 2012, p. 156-172.
  • [61]
    Ce texte doit beaucoup à ses relecteurs et relectrices anonymes, à qui nous adressons nos remerciements. Nous remercions également Florent Gougou pour la mise à disposition de son fichier cumulé des Enquêtes électorales françaises.
  • [62]
    Sur la question de la non-adéquation du coefficient alpha pour les échelles ordinales, cf. Anne M. Gadermann, Martin Guhn, Bruno D. Zumbo, « Estimating Ordinal Reliability for Likert-Type and Ordinal Item Reponse Data : A Conceptual, Empirical, and Practical Guide », Practical Assessment Research & Evaluation, 17 (3), 2012, p. 1-13.
linkThis article is available in English on Cairn International
Français

Le « Radical Right Gender Gap » désigne la moindre propension des femmes à voter pour les droites radicales. C’était vrai du temps de Jean-Marie Le Pen, moins depuis que sa fille lui a succédé. À l’élection présidentielle de 2012, les électrices ont autant voté pour elle que les électeurs, toutes choses égales par ailleurs. Puis l’écart est revenu aux élections intermédiaires qui ont suivi et il a de nouveau disparu à l’élection présidentielle de 2017. Cet article cherche à comprendre ces variations en croisant les effets du genre, de l’appartenance générationnelle et des traits de personnalité sur le vote Le Pen, à partir des French Election Studies (1988-2017).

Mots-clés

  • Radical Right Gender Gap
  • Front national
  • Marine Le Pen
  • les Big Five
  • effet genre-génération
Abdelkarim Amengay
Abdelkarim Amengay est doctorant en cotutelle au Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po et à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa. Sa thèse analyse l’impact du contenu des médias sur le vote FN. En 2015, il a co-écrit (avec Daniel Stockemer) « The Voters of the FN under Jean-Marie Le Pen and Marine Le Pen : Continuity or Change ? », French Politics, 13 (4), 2015, p. 370-390. Plus généralement, ses recherches portent sur les comportements électoraux, l’extrême droite et la psychologie politique (CEE, Sciences Po Paris, 27 rue Saint-Guillaume, 75337 Paris cedex 07, <abdelkarim.amengay@sciencespo.fr>).
Anja Durovic
Anja Durovic est doctorante au Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po. Sa thèse porte sur l’analyse comparative des inégalités de genre dans la participation politique en Europe et sur la façon dont le changement générationnel ainsi que différents régimes d’État providence peuvent influencer ces inégalités. Elle a récemment publié : « A Longitudinal Analysis of Gendered Patterns in Political Action in France : A Generational Story ? », French Politics, 15 (4), 2017, p. 418-442. Elle fait notamment partie de l’équipe française du projet de recherche Money Talks : Gendered Electoral Financing in Democratic and Democratizing States (CEE, Sciences Po Paris, 27 rue Saint-Guillaume, 75337 Paris cedex 07, <anja.durovic@sciencespo.fr>).
Nonna Mayer
Nonna Mayer est directrice de recherche émérite au CNRS, rattachée au Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po. Elle a récemment publié (avec Mickael Durand) « Genre, sexualité et vote », dans Yves Déloye, Nonna Mayer (dir.), Analyses électorales, Bruxelles, Bruylant, 2017, p. 265-318 ; et codirigé (avec Alexandre Dézé et Sylvain Crépon) Les faux-semblants du Front national. Sociologie d’un parti politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2015. Ses recherches portent sur les attitudes et comportements politiques, l’extrémisme de droite, les nouvelles formes de racisme et d’antisémitisme (CEE, Sciences Po Paris, 27 rue Saint-Guillaume, 75337 Paris cedex 07, <nonna.mayer@sciencespo.fr>).
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 16/03/2018
https://doi.org/10.3917/rfsp.676.1067
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po © Presses de Sciences Po. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...