Au lendemain de la disparition de leur « calife » autoproclamé Abou Bakr al-Baghdadi, tué en Syrie à l’automne 2019 et chef historique du mouvement jihadiste État islamique, ses partisans promettent une redoutable vengeance à leurs adversaires. Partout dans le monde, ils frappent sans relâche, animés par un insatiable et durable désir vengeur qui caractérise la cause d’une majorité de mouvances terroristes. Malgré sa prévalence émotionnelle, ce puissant désir de vengeance n’a jusqu’à présent fait l’objet que de traitements parcellaires dans la littérature consacrée au jihadisme. Cet article se propose de combler ce déficit en étudiant, dans une double démarche théorique et empirique, cette dimension négligée. Il revient tout d’abord sur la problématique générale de la vengeance dans la violence terroriste, puis conceptualise la question singulière du désir vengeur jihadiste à travers une approche transnationale, sur un semestre, des attaques revendiquées ou inspirées par l’État islamique.
Article
Le 26 octobre 2019, l’élimination par la coalition, dans une
frappe ciblée, d’Abou Bakr al-Baghdadi, « calife » du mouvement jihadiste État islamique, était immédiatement suivie de
la promesse faite par ses membres et partisans d’attentats de « venger »
sa mort. Dans un enregistrement diffusé sur la Toile et dans lequel il
contestait toute idée de défaite, le groupe annonçait la succession politique de son commandant défunt et des représailles à venir. Un puissant désir de vengeance s’était emparé de ses rangs, ne tardant pas à se
traduire par une série d’actions sanglantes aux quatre coins du monde.
De nombreuses violences politiques, au premier rang desquelles le
terrorisme jihadiste, ont pour cause première un désir de vengeance
qui s’inscrit dans la durée et va souvent au-delà des racines initiales
ayant provoqué le conflit : de fait, chacune des parties adverses entend
porter à l’autre le coup final. Cette observation simple vaut particulièrement pour le militantisme jihadiste qui, outre les objectifs idéologiques poursuivis par ses représentants, a sombré de longue date dans
une surenchère aveugle et destructrice de la violence, emblématique de
la vengeance qui la porte.Ce désir de vengeance n’est au demeurant pas spécifique aux
groupes les plus radicaux ; il est un trait humain en définitive relativement universel et répandu parmi toutes les cultures. Or, s’il persiste
au sein de certaines sociétés et organisations comme partie intégrante
de la notion de rétributio…
Résumé
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 20/07/2020
- https://doi.org/10.3917/come.113.0225

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