Introduction
1 Réalisée en moins d’un an, la restructuration du Crédit communal de Belgique-CCB s’inscrit dans un double contexte : la réorganisation du secteur public du crédit en Belgique d’une part, et le mouvement de rapprochement de fusion et de rachat dans le secteur financier d’autre part.
2 S’agissant de la réorganisation du secteur public du crédit, la voie choisie par les dirigeants du Crédit communal s’est démarquée de celle qui a été définie par les responsables politiques pour les autres institutions publiques de crédit [1]. Si le sort de l’Office central du crédit hypothécaire-OCCH et de la Caisse nationale du crédit professionnel-CNCP reste encore à déterminer, il est vraisemblable qu’il s’inspirera de la formule du désengagement des pouvoirs publics, c’est-à-dire d’une privatisation plus ou moins large, adoptée pour la Caisse générale d’épargne et de retraite-CGER, la Société nationale de crédit à l’industrie-SNCI et l’institut national de crédit agricole-INCA. Rappelons qu’en 1993, la CGER a rejoint le groupe d’assurance belgo-néerlandais Fortis (AG/Amev). Trois ans plus tard, la CGER a racheté à l’Etat la participation de 50 % que celui-ci détenait dans le capital de la SNCI. Quant au Crédit agricole, son capital est aujourd’hui réparti à parts égales entre la banque Bacob, la compagnie d’assurance Swiss Life et deux coopératives agricoles.
3 La solution mise en œuvre pour le Crédit communal est plus originale dans la mesure où la cession des actions aux investisseurs privés, limitée à 34,5 % du capital, s’est opérée au niveau d’un holding de contrôle créé pour la circonstance, le CCB Holding, et au travers d’une introduction en bourse. Il s’est agi, avec un montant proche de 34 milliards de francs, de la plus importante opération boursière réalisée dans notre pays.
4 Il n’empêche que le rapprochement du Crédit communal avec le Crédit local de France-CLF, justifié par la nécessité de donner aux deux institutions une dimension européenne, confère à la restructuration du Crédit communal les allures d’une privatisation. En effet, le capital de la banque est aujourd’hui partagé entre le CCB Holding, privatisé pour un tiers, et le CLF Holding dans lequel les pouvoirs publics français, par la voie de la Caisse des dépôts et consignations-CDC essentiellement ne détiennent plus que 12 % du capital. Cependant, en termes de pouvoir de décision, les membres désignés par les pouvoirs publics, belges ou français, restent largement majoritaires au sein du conseil d’administration du Crédit communal (banque).
5 Le deuxième trait marquant de la restructuration du Crédit communal est son intégration dans un groupe multinational selon une formule proche de celle qui a été mise en œuvre pour la constitution de Fortis. Deux holdings de contrôle, CCB Holding du côté belge et CLF Holding du côté français, ont été créés. Ils détiennent chacun 50 % du capital des deux établissements de crédit. En vue de développer les synergies que ce partenariat permet, deux comités communs ont été mis en place : le comité stratégique au niveau des deux holdings et le comité consortial au niveau des deux établissements de crédit.
6 Le groupe Dexia, issu de ce rapprochement, figure aujourd’hui au vingtième rang des banques européennes, bien au devant des groupes bancaires totalement ou partiellement belges, et domine largement le segment de marché sur lequel il s’est positionné. Un élargissement du groupe, à la fois sur le plan géographique (que ce soit par l’arrivée d’un nouveau partenaire ou par acquisition) et sur le plan des activités (dans le secteur de l’assurance par exemple) s’inscrirait dans la logique du chemin déjà accompli, mais il ne sera vraisemblablement pas à l’ordre du jour avant le prochain siècle.
Historique du Crédit communal
7 Le Crédit communal de Belgique est une des plus anciennes institutions financières publiques du pays. Il a été constitué en 1860, dix ans après la Banque nationale, à l’initiative de Walthère Frère-Orban, qui sera également à l’origine, cinq ans plus tard, de la création de la Caisse générale d’épargne et de retraite-CGER.
La création de la Société du Crédit communal (1860)
8 Le contexte dans lequel le Crédit communal voit le jour est marqué par la révolution industrielle. Le développement de la classe ouvrière habitant dans des agglomérations urbaines entraîna une augmentation des charges des collectivités locales. De plus en plus de communes éprouvaient des difficultés budgétaires, notamment pour financer leurs investissements. Si les grandes villes avaient la possibilité de placer des emprunts sur le marché des capitaux, les entités moyennes et petites n’avaient de facto aucun accès au crédit, du moins au crédit à long terme.
9 À la fin des années 1850, diverses propositions ont été formulées en vue de la mise sur pied d’un établissement de crédit spécialisé dans l’octroi de crédits aux administrations publiques. Certaines émanaient de banquiers privés, comme le Bruxellois Joseph Oppenheim ou le Parisien Serre. D’autres, comme l’ancien fonctionnaire du Ministère des Finances, François Haeck, suggéraient la création d’une “union de crédit” associant les différentes communes. Deux experts financiers auxquels W. Frère-Orban avait demandé d’étudier la question, Henri de Brouckère, député et ministre d’Etat d’une part, et J.-R. Bischoffsheim, directeur de la Banque nationale d’autre part, préconisèrent, eux, la mise en place d’une administration d’Etat spécialisée.
10 Saisi directement ou indirectement de toutes ces propositions, Walthère Frère-Orban écarta la formule d’une banque privée (considérée comme un intermédiaire dont les actionnaires exigeraient des bénéfices plus ou moins élevés), celle d’une administration publique (par crainte de voir l’Etat contraint de lui apporter des subventions), ainsi que celle d’une mutuelle au sens strict, qui rendrait chaque commune totalement solidaire des engagements financiers des autres affiliés.
11 S’inspirant de la proposition de François Haeck, le ministre des Finances fit étudier un projet de société anonyme dont les seuls actionnaires seraient les communes. Auguste Orts, député et avocat, qui avait collaboré à ce travail, fut chargé, en octobre 1860, d’en élaborer les statuts en collaboration avec Henri de Brouckère, J.-R. Bischoffsheim, Jacques Gillon (bourgmestre de Saint-Josse-ten-Noode) et Krekelinger, commissaire du gouvernement auprès de la Banque nationale.
12 Le 24 novembre, par acte passé devant le notaire bruxellois Florent Bourdin, Auguste Orts et Jacques Gillon constituaient la Société du Crédit communal.
13 Le 8 décembre, conformément à la législation sur les sociétés anonymes (article 29 du code de commerce de l’époque), le roi Léopold 1er signait un arrêté royal autorisant la société et en approuvant les statuts. Cet arrêté était contresigné par Walthère Frère-Orban, de même qu’un autre arrêté royal pris le même jour et qui portait nomination des cinq premiers administrateurs de la société. Ceux-ci n’étaient autres que les cinq personnes auteurs des statuts du Crédit communal.
14 Ces arrêtés, précédés d’un rapport au roi très explicite, furent publiés au Moniteur belge n°345 du 10 décembre 1860. Des statuts de la société qui étaient joints en annexe, on retiendra plus particulièrement :
- que le capital social de la société n’a pas été fixé ;
- que seules les communes et les provinces peuvent être actionnaires de la société ;
- que le gouvernement se réserve le droit de s’opposer à l’exécution de toute mesure qui serait contraire à la loi, aux statuts ainsi qu’aux intérêts des communes ou de l’Etat ;
- que le gouvernement désigne un commissaire chargé de surveiller les opérations de la société et doté à cet effet d’un pouvoir de contrôle illimité.
De la constitution à la première guerre mondiale (1861-1914)
15 Créée juridiquement, la Société du Crédit communal était cependant dépourvue non seulement de capital, mais aussi d’associés. Le directeur-gérant devait, au début, avancer l’argent nécessaire pour payer les premiers frais d’installation et les salaires. Dès juillet 1861, un accord fut conclu avec un groupe d’agents de change pour l’émission d’un emprunt, dont l’Etat favorisa le placement en lui accordant divers privilèges. Le montant recueilli en septembre (6,1 millions de francs) fut immédiatement reprêté aux communes qui avaient introduit une demande de crédit Un prélèvement de 5 % sur les prêts consentis constitua la première tranche libérée du capital de la société.
16 À partir de 1870, le Crédit communal collabora, pour le placement de ses emprunts, avec la Banque nationale ainsi qu’avec la Caisse d’épargne, laquelle était également chargée de répartir les quotes-parts du Fonds communal. Huit ans plus tard, il inaugura la vente directe des titres en bourse. Jusqu’en 1880, il s’agissait, pour l’essentiel, d’emprunts remboursables en soixante-six ans. A partir de cette date, l’échéance fut le plus souvent réduite de moitié. Pendant cette seconde moitié du 19ème siècle, le total annuel moyen oscillait autour de 5 millions. Il tripla pratiquement au début des années 1900. Il est vrai que c’est à cette époque que le Crédit communal entama l’octroi de prêts à court terme, garantis par la quote-part de chaque commune emprunteuse dans le Fonds communal. En 1912, pour faire face au développement de cette nouvelle activité, la décision fut prise d’émettre des bons de caisse.
17 Le premier dividende ne fut versé qu’en 1885, lorsque les réserves constituées furent suffisantes. Cette rémunération du capital, irrégulière au début, devint annuelle à partir de la fin des années 1890.
La première guerre mondiale (1914-1918)
18 Ces quatre années virent une expansion considérable de l’activité du Crédit communal. Le gouvernement ayant émigré, la vie publique se concentra sur les communes, qui durent faire face à des charges financières écrasantes tout en étant largement privées des recettes en provenance du Fonds communal. Il leur incombait en effet de distribuer vivres, vêtements et charbon et aussi de satisfaire à divers besoins de l’armée d’occupation.
19 Pendant la durée du conflit, le Crédit communal fut ainsi amené à emprunter quelque 700 millions de francs, contre environ 400 millions de 1860 à 1914. Ce montant fut soit converti en prêts consentis aux communes, soit utilisé pour souscrire à des emprunts placés directement par les villes sur le marché des capitaux. Dans une large mesure, cette dette communale, très souvent à court terme, fut consolidée après la guerre en prêts classiques remboursables par annuités constantes. L’Etat en reprit la charge dans une large mesure.
L’entre-deux-guerres (1919-1940)
20 Au lendemain de l’armistice, l’Etat se tourna massivement vers le marché des capitaux pour des emprunts à long terme, ce qui amena le Crédit communal à accentuer ses émissions de bons de caisse. Les types les plus divers furent émis, depuis les bons à trois ans d’échéance jusqu’aux bons à dix ans. Dès 1919, le mécanisme de l’émission “au robinet”, c’est-à-dire à la demande de l’investisseur, fut instauré.
21 La crise boursière de 1929, réorientant les faveurs du public vers les titres à revenu fixe, donna cependant au Crédit communal l’occasion d’émettre à nouveau des emprunts remboursables en 60 ou 65 ans. L’approche du deuxième conflit mondial perturba à nouveau les marchés financiers, ce qui relança l’émission de bons de caisse à court terme.
22 Du côté des crédits, le rôle du Crédit communal en tant que pourvoyeur de fonds aux entités locales va définitivement s’affirmer. En avril 1919, le ministre de l’intérieur le qualifie, dans une circulaire, de “véritable banquier des communes” et, deux ans plus tard, son collègue des Finances lui transfère le service du Fonds communal (auquel va succéder, quelques mois plus tard, le Fonds des communes).
23 Durant les deux premières années de l’après-guerre, les trois quarts des quelque 2,2 milliards empruntés par les communes le furent par l’entremise du Crédit communal, alors que la proportion était inférieure à 20 % pour la période 1860-1913. Cette prédominance du Crédit communal va se maintenir jusqu’à la deuxième guerre mondiale, puisque sur les 18 milliards empruntés par les communes entre 1914 et 1940, 13 milliards le seront auprès du Crédit communal.
24 Bien que sa fonction bancaire soit encore limitée, le Crédit communal fut autorisé à ouvrir des comptes de dépôts au nom des communes et à leur consentir des ouvertures de crédit. Cette nouvelle activité provoqua la colère des banques classiques, qui refusèrent, à plusieurs reprises, de participer au placement des emprunts du Crédit communal. Il n’empêche qu’en 1936, peu après la crise bancaire, le ministre de l’intérieur interdit aux communes de déposer leurs fonds ailleurs qu’auprès des institutions publiques de crédit. Le Crédit communal fut le principal bénéficiaire de cette interdiction.
La deuxième guerre mondiale (1940-1944)
25 Quelques jours après le déclenchement des hostilités, poussés par le précédent de 1914, le président du conseil d’administration et le directeur-gérant prirent la décision d’établir une agence “derrière le front”. A cet effet, ils envoyèrent une “délégation” composée d’une vingtaine de cadres et d’employés qui termina son exode à Toulouse, où elle fut rejointe par son directeur-gérant L’encaisse ayant pris lui aussi le chemin de la France, la société fut rapidement paralysée, d’autant que le conseil d’administration était dispersé et qu’un moratoire des prêts et des remboursements fut décidé par les responsables restés en Belgique.
26 Ce moratoire dura environ trois mois, jusqu’à la reprise des activités des institutions financières publiques (Banque nationale, Office des chèques postaux, etc.). Dans la seconde moitié du mois d’août, la “délégation” réintégra le siège social et la société reprit aussi bien le paiement des titres et coupons échus que l’octroi des crédits pour les dépenses communales les plus urgentes. Trois mois plus tard, une circulaire du secrétaire général des Finances invita la direction générale des contributions à verser à nouveau au Crédit communal les quotes-parts des communes dans les impôts de l’Etat, les additionnels et le Fonds des communes. Il convient de signaler que l’émission des bons de caisse ne fut pratiquement jamais interrompue.
27 Pendant toute la guerre, le Crédit communal continua de bénéficier de liquidités abondantes, de sorte que, d’après Marcel Van Audenhove, il put “sans la moindre difficulté” couvrir les besoins financiers des autorités locales. Sur les quatre années que dura la deuxième guerre, ce furent plus de quatre milliards qui furent ainsi prêtés aux communes, dont 1,6 milliard pour la seule année 1944.
L’après-guerre (1945-1985)
28 Le double problème que les dirigeants du Crédit communal s’attachèrent à résoudre fut celui de sa déspécialisation et de la réorganisation de son réseau.
29 Si, dans les premières années de son existence, il plaçait ses emprunts par l’intermédiaire des agents de change et des banques, il prit assez vite l’habitude d’utiliser également les receveurs et les secrétaires communaux comme “placiers”. Lorsqu’il entreprit, après la première guerre, l’émission de bons de caisse “au robinet”, il s’appuya essentiellement sur ce réseau informel. Par la suite, d’autres fonctionnaires des communes lui servirent également d’“agents”.
30 C’est également au lendemain de la libération que fut entamée la déspécialisation du Crédit communal. Aussi bien pendant la première que pendant la deuxième guerre, le Crédit communal avait ouvert des comptes temporaires aux personnes et organismes privés en relation avec lui. D’une manière plus générale, les intermédiaires associés au placement des titres ainsi que les agents locaux y disposaient de comptes.
31 Dans le cadre de l’“opération Gutt”, le Crédit communal, assimilé pour l’occasion aux banques, participa lui aussi au retrait des billets de banque. Les retraits effectués aux guichets du Crédit communal, y compris par de nombreux particuliers, furent convertis en carnets de dépôt Cette extension des activités de la banque des communes suscita une virulente opposition tant dans le chef de la CGER que dans celui du Consortium des banques. Un accord fut néanmoins conclu, aux termes duquel le Crédit communal s’engagea à ne pas accepter les dépôts à moins de quinze jours, à tempérer sa publicité et à aligner ses taux sur ceux de la CGER. De son côté, le président du Consortium des banques promit que ses membres renonçeraient à émettre des bons de caisse. La Kredietbank, qui n’en était pas, continua une pratique qu’elle avait déjà mise en œuvre avant la guerre et, dès 1953, elle fut suivie par la Banque de la Société générale.
32 En 1967, alors que les salaires étaient de plus en plus payés sur des comptes bancaires et que la CGER se vit légalement autorisée à offrir des comptes à vue à sa clientèle, le Crédit communal créa un “compte orange” qui présentait les mêmes caractéristiques. En 1973, les statuts du Crédit communal furent modifiés de manière à pouvoir octroyer à sa clientèle de particuliers des crédits à la consommation et des prêts hypothécaires.
33 Cette diversification des sources de financement fut particulièrement bienvenue dans la mesure où les besoins financiers des communes connurent, au même moment, une véritable explosion. Ainsi, en 1980, les crédits octroyés aux communes par le Crédit communal (crédits à long, moyen et court termes et ouvertures de crédit) frôlèrent les 500 milliards de francs, alors qu’ils n’atteignaient que 150 milliards dix ans plus tôt. Dès 1976 d’ailleurs, plusieurs communes fort endettées, bruxelloises notamment, commencèrent à contracter des emprunts auprès d’autres banques, belges et étrangères. Ce surendettement les mena à une situation proche de l’état de cessation de paiement.
La période contemporaine (1985-1995)
34 En 1983, la Belgique fut condamnée par la Cour de Justice des Communautés européennes pour non-application d’une directive visant à harmoniser le contrôle des établissements de crédit, qu’ils soient publics ou privés. Cette condamnation fut à l’origine de la loi du 16 juillet 1983 qui, notamment, soumit les institutions publiques de crédit (IPC) au contrôle de la Commission bancaire.
35 Dans la même perspective, le gouvernement confia à une commission la tâche de formuler des propositions pour réorganiser les institutions publiques de crédit. Celles-ci débouchèrent sur le vote de la loi du 17 juin 1991 portant organisation du secteur public du crédit et harmonisation du contrôle et des conditions de fonctionnement des établissements de crédit Dans le schéma mis en place par cette législation, le Crédit communal était appelé à devenir le pilier d’un des deux pôles du secteur public du crédit. Dans la troisième partie de ce Courrier hebdomadaire, nous reviendrons plus en détail sur les aspects de cette loi qui touchent plus particulièrement le Crédit communal.
36 Les dix dernières années écoulées ont vu également le Crédit communal :
- se doter d’une dimension internationale, avec, notamment, la création de Cregem en 1990 et la prise de contrôle de la Banque internationale à Luxembourg-BIL, dans laquelle il a repris la participation du Groupe Bruxelles Lambert-GBL en 1991 et 1993 ;
- pénétrer dans le secteur de l’assurance, en participant avec deux caisses de la Société mutuelle des administrations publiques-SMAP, à la création, en 1989, de deux compagnies, Mega et Mega Life ;
- rechercher des alliances avec d’autres établissements de crédit, au travers, notamment, d’une prise de participation dans le capital de la Banque Bruxelles Lambert-BBL (12,4 %, directement et via la BIL, en 1995).
37 La tentative avortée de constitution d’une “grande banque belge” et l’alliance réussie avec le Crédit local de France-CLF feront l’objet d’un plus ample développement dans les troisième et quatrième parties de cette étude.
Morphologie du Crédit communal
38 Les traits marquants du Crédit communal relevés dans cette deuxième partie sont, d’une manière générale, ceux existant avant son alliance avec le Crédit local de France au sein du groupe Dexia. Les modifications qu’y a apportées ce regroupement sont, le cas échéant, précisées.
Le statut du Crédit communal
39 Si l’on se réfère aux catégories du droit commercial, le Crédit communal de Belgique est une société anonyme. Mais cette qualification ne suffît pas, à elle seule, à déterminer s’il constitue un organisme d’intérêt public ou une société relevant exclusivement du droit privé. Le fait que ses statuts aient été approuvés par arrêté royal est, à cet égard, non décisif puisqu’à l’époque, la création de toute société nécessitait l’assentiment du pouvoir exécutif.
40 Pour l’essentiel, le fonctionnement et les activités du Crédit communal sont incontestablement régis par ses statuts et par le droit privé, qu’il soit civil, commercial ou bancaire. En tant qu’établissement de crédit, et comme n’importe quelle banque, il est d’ailleurs, mais depuis quelques années seulement, soumis au contrôle de la Commission bancaire et financière.
41 Ce régime de droit commun ne fait cependant pas obstacle à ce que, à maints égards, le Crédit communal doit être considéré comme une société anonyme de droit public. C’est d’ailleurs le cas de nombreux organismes qui, bien qu’ayant revêtu la forme de société anonyme, sont des entités de droit public. C’est le cas, par exemple, des intercommunales ou encore des sociétés publiques d’investissement.
42 Parmi ces éléments, on relèvera, en premier lieu, que, statutairement (avant le rapprochement avec le Crédit local de France), ses actionnaires ne pouvaient être que les communes et les provinces.
43 L’objet social témoigne aussi clairement de son appartenance au secteur public, puisqu’il est de “favoriser, par des opérations de crédit à court, moyen et long termes, les investissements des provinces, des communes et des organismes à caractère régional, ainsi que de tous les établissements publics, sociétés, associations et organismes constitués en vue de la réalisation d’objectifs provinciaux, communaux ou régionaux (…).
44 Par ailleurs, s’il n’a jamais été soumis à la loi du 14 avril 1954 sur le contrôle de certains organismes d’intérêt public, il n’en reste pas moins que, depuis son origine, il a été assujetti à un certain contrôle gouvernemental. L’article 25 de ses statuts d’origine prévoyait que “le gouvernement pouvait s’opposer à l’exécution de toute mesure qui serait contraire soit à la loi, soit aux statuts, soit aux intérêts des communes ou de l’Etat”.
45 Cette tutelle de l’Etat a été clairement affirmée par une loi particulière, la loi du 16 avril 1963 qui soumet le Crédit communal au double contrôle du ministre des Finances et de celui de l’intérieur. Cette tutelle s’exerce à l’intervention de deux commissaires du gouvernement. Cette loi a également soumis à l’approbation du gouvernement les conditions d’émissions publiques d’obligations et de bons de caisse par le Crédit communal.
46 Deux arrêts du Conseil d’Etat, rendus en 1984 et 1985, ont, sur base de ces éléments, clairement confirmé que le Crédit communal, même si certaines de ses opérations relèvent du droit privé, “n’en demeure pas moins fondamentalement une autorité administrative”.
L’actionnariat du Crédit communal
47 Avant la réforme statutaire intervenue dans le cadre de l’alliance avec le Crédit local de France, le Crédit communal ne pouvait compter dans son actionnariat que les communes et provinces, auxquelles il fallait ajouter la direction de l’institution et un wateringue.
48 Les 350.000 actions, toutes nominatives, du Crédit communal étaient réparties de la manière suivante.
49 Cette répartition est la conséquence historique d’un système qui, pour pallier l’absence de capital de départ, obligeait les communes et provinces emprunteuses à affecter 5 % des crédits obtenus à la constitution du capital de la société. Il fut mis fin à ce mécanisme au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Les dix premiers actionnaires du Crédit communal étaient des communes : Anvers (6,05 %), Charleroi (4,22 %), Schaerbeek (3,26 %), Anderlecht (2,93 %), Liège (2,37 %), Ostende (2,34 %), Bruxelles (2,15 %), Seraing (1,96 %), Ixelles (1,95 %) et Gand (1,91 %). Pour plus de détails, on se rapportera à l’annexe.
L’actionnariat du Crédit communal

L’actionnariat du Crédit communal
50 On remarquera que, globalement, les communes wallonnes et bruxelloises sont, par rapport à leur population respective, sur-représentées. Cette répartition, révélée par le quotidien De Financieel-Ekonomische Tijd le 29 février 1996, a suscité une polémique du côté de certains représentants municipaux du Nord du pays, qui ont réclamé un “rééquilibrage” de l’actionnariat au profit des entités locales flamandes.
51 Suite à la restructuration du groupe Crédit communal, cet actionnariat est devenu celui du Holding Communal. Pour l’actionnariat actuel de la CCB-Banque, on se reportera à la quatrième partie du présent Courrier hebdomadaire.
La direction du Crédit communal
52 Comme toute banque, publique ou privée, le Crédit communal est dirigé par deux organes distincts : le comité de direction et le conseil d’administration.
53 Le comité de direction, chargé de la gestion journalière de la banque, est composé de six membres, tous issus du haut encadrement. Il s’agit de François Narmon (président), Luc Onclin (vice-président), Joseph Asselbergh, Guy Schifflers, Martine Decamp et Paul Vanzeveren. Chacun d’eux est plus particulièrement responsable d’un secteur de la banque.
54 Le conseil d’administration, chargé des choix stratégiques et du contrôle, est composé, outre des six membres du comité de direction, de onze membres représentant les divers courants politiques du pays : Gibert Mottard (président, gouverneur honoraire de la province de Liège, PS), Tony Van Parijs (vice-président, conseiller communal à Gand, CVP), Frank Beke (bourgmestre de Gand, SP), Geert Bervoets (bourgmestre de Malines, SP), François-Xavier de Donnéa (bourmestre de Bruxelles, PRL-FDF), Alfred Evers (bourgmestre d’Eupen, PRL), Jef Gabriels (bourgmestre de Genk, CVP), Marc Mahieu (ancien bourgmestre de Poperinghe, VLD), Joseph Michel (ancien bourgmestre de Virton, PSC), Guy Spitaels (bourgmestre d’Ath, PS) et Frank Swaelen (conseiller communal de Hove, président du Sénat, CVP). La plupart de ces onze administrateurs sont parlementaires.
55 Les représentants du Nord du pays y disposent de la majorité des mandats. Exerçant ou ayant exercé des responsabilités politiques au niveau local, ces onze membres sont désignés après concertation entre la direction du Crédit communal et les dirigeants des partis politiques. Pour l’exercice 1995, l’ensemble des rétributions payées aux dix-sept administrateurs s’est élevé à 125,6 millions de francs.
56 Outre l’existence d’un comité de surveillance (composé de représentants des pouvoirs locaux) et d’un collège de commissaires-réviseurs, on notera la présence de deux commissaires du gouvernement (Emiel Beyens, sercrétaire général du Ministère de l’intérieur et Grégoire Brouhns, administrateur général de la Trésorerie), ainsi que de trois “délégués” des gouvernements régionaux (Carlos Dumortier pour la Région wallonne, Dany Vandenbossche pour la Région flamande et Michel Van Vlasselaer pour la Région bruxelloise).
Les activités du Crédit communal
57 Statutairement, l’objet social du Crédit communal est de favoriser, par des opérations de crédit, d’une part, les investissements des communes, des provinces et des organismes à caractère régional, ainsi que des établissements publics qui y sont associés (CPAS, intercommunales) et des entreprises publiques ou semi-publiques (SNCB, TEC, Sabena, BATC, etc.), et, d’autre part, la gestion courante de leur budget. C’est à ce titre qu’il assiste les régions et les communautés dans la gestion de leur trésorerie.
58 Représentant quelque 60 % de l’ensemble des crédits, l’encours des crédits au secteur public a frôlé, à la fin 1995, le cap de mille milliards de francs, dont plus de 700 à destination des provinces et des pouvoirs locaux. Environ 90 % de ces montants sont des prêts à long terme à taux révisables.
59 Le Crédit communal est aussi ce qu’on appelle une banque “universelle”, autorisée à exécuter toutes les opérations qui relèvent d’un établissement de crédit au sens large. S’il occupe une place importante sur le marché des particuliers, il a récemment réussi une percée remarquée dans le secteur des opérations de marché. En revanche, il est pratiquement absent du créneau des entreprises, à l’exception des entreprises publiques. C’est à ses filiales luxembourgeoises (voir ci-dessous) que sont confiées les opérations de “private banking”.
60 La spécialité reconnue du Crédit communal est la collecte de l’épargne des particuliers, au travers, principalement, des bons de caisse, dont, avec un encours de 1.287 milliards de francs à la fin 1995, il est le principal émetteur en Belgique.
61 Les contacts avec la clientèle des particuliers (plus de 2 millions de clients) est assurée au travers d’un réseau de près de mille agences, gérées par 1.230 mandataires indépendants, personnes physiques ou sociétés, rémunérés à la commission et travaillant exclusivement pour le Crédit communal. Le personnel en agences (1.970 personnes) est sous contrat d’emploi avec le mandataire.
62 Ce réseau est aujourd’hui en voie de réorganisation, sur le modèle d’une “structure en étoile”, composée d’agences “principales” situées au centre d’une série d’agences “satellites”.
Les principales données bilantaires et autres chiffres-clés
Données financières 1995 (en milliards de francs belges)

Données financières 1995 (en milliards de francs belges)
63 S’agissant des performances financières de la banque, on notera que le Crédit communal affiche un ratio de solvabilité (“risk assets ratio”) de 13,4 %, contre une moyenne de 11,9 % pour le secteur bancaire belge et un minimum réglementaire de 8 %. Pour ce qui est de la rentabilité, il a atteint le niveau de 12,2 %, contre une moyenne sectorielle de 7,9 %.
64 On retiendra encore, en ce qui concerne le Crédit communal maison-mère, que l’effectif de la société était, en 1995, de 3.824 personnes. En y ajoutant celui de la BIL (1.870 personnes, voir ci-dessous), celui des autres filiales (233 personnes) ainsi que le personnel du réseau (3.200), on arrive à un total de 9.137 personnes. Ce chiffre est en augmentation régulière, mais lente.
Le groupe Crédit communal
65 Etablissement de crédit, le Crédit communal est aussi la société faîtière d’un groupe. A l’actif du bilan établi à la mi-1996, les participations sont évaluées à quelque 30 milliards et concernent environ 120 sociétés, dont les principales sont actives dans les secteurs suivants.
Le secteur bancaire
- Banque internationale à Luxembourg-BIL (participation directe et indirecte de 52,9 %) ;
- Banque Bruxelles Lambert-BBL (12,42 %) ;
- Cregem International Bank, à Luxembourg (100 %) ;
- Comptoir d’escompte de Belgique et Comptoir d’escompte du Crédit communal (100 %) ;
- Société monégasque de Banque privée (49,9 %) ;
- Crédit local de France-CLF (5 %).
Le secteur de l’assurance
- Mega et Mega Life, avec la SMAP comme partenaire (50 %) ;
- BBL-Vie (50 %), Paneurolife (10 %), Bil Ré (100 %) et Cregem Ré (100 %), à Luxembourg.
Le secteur financier (autre que la banque et l’assurance)
- les sociétés d’investissement : SLF à Liège (31,9 %), Caïxa Investment (99,5 %) ;
- le leasing : Crédit communal Lease (100 %), B-Lease (33 %), BIL-Lease (100 %), Sofibail (19,4 %) ;
- les sociétés d’expertise financière et immobilière : Experta (100 %) aux Bahamas et en Suisse ;
- les services para-bancaires : Bank Card Cy (12,6 %), Banksys (16,1 %), Europay Belgium (10,5 %) et Luxembourg (26,1 %).
Le secteur du développement local ou régional
- les intercommunales de développement : Idélux à Arlon (36,8 %), Igretec à Charleroi (89 %), IHF à La Louvière (51,9 %), IVEG à Anvers (43,8 %), SPI à Liège (48,4 %), WVEM à Bruges (16,9 %), Sofibru à Bruxelles (20 %), IECBW (16,6 %) ;
- l’immobilier : Bruxelles-Midi (15 %), Société de développement Liège-Guillemins (20 %), Flanders Expo (42,1 %).
Divers
- l’énergie : SPE, à Seraing (22,4 %) ;
- le transport : Luxair, à Luxembourg (13,1 %).
71 La Banque internationale à Luxembourg-BIL est la principale filiale du Crédit communal. Cette banque, la plus importante du Luxembourg, dispose d’un réseau étoffé d’agences au Grand-Duché de Luxembourg (46 agences) et de succursales ou de bureaux de représentation dans de nombreux pays. Elle est active dans de nombreux segments, dont le “private banking” (gestion de fortune notamment), le marché des capitaux (prise ferme et syndication d’émissions en francs luxembourgeois), la gestion de fonds communs de placement Son total bilantaire s’établissait, à la fin 1995, à 888 milliards de francs luxembourgeois et ses capitaux propres au sens large à 47,8 milliards. Elle a dégagé, l’an dernier, un bénéfice consolidé de 2,8 milliards. La BIL représente un quart du total du bilan du groupe Crédit communal et contribue à concurrence de 27 % à ses résultats.
72 À l’étranger, au travers surtout de ses filiales et sous-filiales BIL, Cregem et Experta, le Crédit communal est présent au Grand-Duché de Luxembourg, en Suisse, à Monaco, dans les îles anglo-normandes, en Irlande, aux Pays-Bas, en France, aux États-Unis, aux Bahamas, dans les Antilles néerlandaises, à Singapour et à Hong-Kong.
Place du Crédit communal dans le système bancaire
73 En termes de parts de marché, le Crédit communal est très logiquement le principal créancier des pouvoirs locaux belges. Il fournit entre 90 et 95 % de leurs crédits. On notera néanmoins les efforts entrepris par d’autres établissements de crédit, au premier rang desquels la CGER, pour s’insérer sur ce créneau. La décision de quelques villes et communes de s’adresser à la CGER comme source alternative de financement, est considérée par certains (encore qu’on s’en défende au Crédit communal), comme à l’origine de la décision prise par “la banque des communes”, d’une part, d’octroyer, à la fin de l’année 1995, une “superristourne” de 350 millions aux emprunteurs et, d’autre part, de réduire unilatéralement, le taux de certains emprunts. Selon les responsables du Crédit communal, cet effort procurera en cinq ans, aux pouvoirs publics locaux emprunteurs, un avantage total de l’ordre de quatre milliards de francs.
74 Le Crédit communal est aussi, en Belgique, le principal émetteur de bons de caisse et autres titres à revenu fixe. A la fin de 1995, l’encours de ce type de produit représentait 1.126 milliards de francs, soit 30 % du total du marché belge.
75 Il est également un des principaux souscripteurs d’emprunts publics belges. L’encours de ce type de créances atteignait, à la fin de 1995, le seuil de 515 milliards de francs, soit 10,3 % des emprunts souscrits par les établissements de crédit. Son alliance avec le CLF, un des principaux émetteurs d’emprunts en euro-devises, pourrait l’amener à réduire sa part dans le créneau des emprunts d’Etat.
76 En termes d’épargne placée sur les comptes à vue, les comptes à terme et les dépôts d’épargne réglementés, le Crédit communal affiche un total plus modeste de 776 milliards (chiffre non consolidé), ce qui représente un peu moins de 10 % des montants récoltés par le secteur bancaire.
77 Vu sous l’angle du classement des établissements de crédit en Belgique, le Crédit communal apparaît généralement aux premiers rangs du secteur bancaire belge, quel que soit le critère envisagé :
- s’agissant du total bilantaire, le Crédit communal occupe la deuxième place, pour le bilan consolidé (derrière la Générale de banque) et la troisième place pour le bilan non consolidé ;
- s’agissant des fonds propres, il est classé à la quatrième place, derrière la Générale de banque, la Kredietbank et la Banque Bruxelles Lambert ;
- s’agissant des dépôts de la clientèle, il arrive en première position, devant la Générale de banque ;
- s’agissant des crédits à la clientèle, il figure également au premier rang, devant la Générale de banque ;
- s’agissant du bénéfice consolidé, il figure au troisième rang, derrière la Générale de banque et la Kredietbank.
78 À l’échelon international, sur la base des fonds propres, le Crédit communal figure au 55ème rang dans le classement européen et au 135ème rang mondial.
Les tentatives avortées de restructurations
79 Avant de s’allier au Crédit local de France, le Crédit communal s’est retrouvé au centre de projets de restructuration du secteur financier belge. Celui qui fut poussé le plus loin prit la forme d’une loi votée en 1991, mais l’opposition des dirigeants du Crédit communal le fit échouer. Le projet de “grande banque belge”, imaginé en 1995, ne dépassa jamais, quant à lui, le stade de l’esquisse.
La réforme des institutions publiques de crédit
80 Pendant la législature 1985-1987 (coalition sociale-chrétienne/libérale), le gouvernement s’est montré préoccupé de l’avenir des institutions publiques de crédit (IPC) [2], mais essentiellement sous l’angle particulier des conditions de concurrence entre les établissements de crédit privés et publics.
81 À l’initiative du vice-Premier ministre Guy Verhofstadt (PW), un groupe de travail composé paritairement (secteurs public et privé) et présidé par Aloïs Van de Voorde, secrétaire général du Ministère des Finances, fut chargé de dégager un consensus. Son rapport fut remis en juin 1987.
82 L’accord de gouvernement du 8 mai 1988 (coalition sociale-chrétienne/socialiste) prévoyait lui aussi une réforme du secteur public de crédit, mais mettait l’accent davantage sur la réorganisation des institutions publiques de crédit. Un nouveau groupe de travail, dénommé Commission d’experts IPC 1992, fut mis sur pied. Présidé par Alfons Verplaetse, à l’époque vice-gouverneur de la Banque nationale de Belgique-BNB, il était en outre composé de trois représentants francophones d’organismes publics, Philippe Wilmès (président de la SNI), Jean-Claude Dehovre (président de la SRIW) et William Fraeys (directeur à la BNB), ainsi que de trois professeurs d’universités flamandes, Henri Swennen (Universitaire Instelligen Antwerpen), Robert Vanes (KULeuven) et Eddy Wymeersch (Rijksuniversiteit te Gent).
83 Installée le 30 septembre 1988, la “commission Verplaetse” remit son rapport à Philippe Maystadt, ministre des Finances, le 18 janvier 1989. Son option de base était la restructuration des institutions publiques de crédit autour de deux pôles. Malgré la réticence de Philippe Maystadt, qui avait marqué sa préférence pour un regroupement des six établissements autour d’un seul pôle, c’est cette option qui fut retenue par le groupe de travail constitué de représentants des cabinets du Premier ministre et des vice-Premiers ministres.
84 L’avant-projet de loi a été approuvé en Conseil des ministres fin avril 1990 et déposé fin septembre devant le Parlement Dans ce projet, le pôle Crédit communal se voyait coiffé par une société faîtière, le Crédit communal-Holding dont le capital aurait été partagé, notamment, entre les pouvoirs publics locaux (minimum 50 %) et les sociétés publiques d’investissement (maximum 20 %). Le Crédit communal-Holding avait pour vocation de détenir au moins 50 % des parts du Crédit communal-Banque et de l’Office central de crédit hypothécaire-OCCH, ainsi que 50 % de la Société nationale de crédit à l’industrie-SNCI.
85 Les dirigeants du Crédit communal se sont montrés plus que réservés à l’égard de ce projet Dans son discours à l’assemblée générale des actionnaires du 20 mars 1990, Frank Swaelen, président du conseil d’administration, a subordonné à deux préalables la mise en œuvre de la réforme : d’une part, la sauvegarde du Crédit communal en tant que tel et, d’autre part, le respect des droits des provinces et des communes en leur qualité de propriétaires exclusifs de la société. L’année suivante, devant la même assemblée générale, il insistait en faveur d’une participation directe du Crédit communal dans la SNCI et l’OCCH.
86 Lors de son audition, le 23 avril 1991, par la commission des Finances de la Chambre, François Narmon, président du comité de direction du Crédit communal, fit part d’une opposition plus nette. A ses yeux, les avantages potentiels du projet (effet de taille et pénétration de deux marchés, le prêt hypothécaire et le crédit aux entreprises où les positions du Crédit communal étaient plutôt faibles) ne compensaient pas les inconvénients :
- la structure de holding, pesante et superflue ;
- la tutelle accrue de l’Etat (avec notamment la présence de deux administrateurs) ;
- la nécessité pour le Crédit communal d’apporter des capitaux frais pour améliorer la structure financière tant de la SNCI que de l’OCCH.
87 En conclusion de son intervention, François Narmon n’a pas caché que le Crédit communal n’aurait pas à souffrir d’un rejet du projet.
88 L’adoption de la loi du 17 juin 1991 portant organisation du secteur public du crédit n’a pas mis fin à la résistance des dirigeants du Crédit communal. En mars 1992, alors que en raison de la crise politique, les mesures d’exécution de la loi se faisaient toujours attendre, ils adressaient au ministre des Finances un mémorandum insistant sur la nécessité de faire de la SNCI et de l’OCCH des filiales directes du Crédit communal et de ne pas remettre en cause l’actionnariat actuel de la société. Cette requête a été rejetée par le gouvernement.
89 Une assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la société avait été prévue pour octobre 1992 pour se prononcer sur l’adaptation éventuelle des statuts aux principes contenus dans la loi. Finalement, cette assemblée n’a jamais été convoquée et le 28 octobre, arguant des risques d’offre publique d’achat lors de la reprise de la participation de l’Etat dans la SNCI et des plaintes déposées par plusieurs banques contre l’OCCH, le conseil d’administration du Crédit communal décida comme la loi lui en donnait la possibilité, “de refuser de participer à la restructuration des institutions publiques de crédit”.
90 Quelques jours plus tard, la Commission d’évaluation des actifs de l’Etat fut mise sur pied en vue de la cession partielle de certaines participations de l’Etat, dans le secteur financier. Le Crédit communal se déclara intéressé par la reprise de la SNCI. Les discussions tramèrent en longueur et, finalement en mai 1994, le Crédit communal retira sa candidature.
L’échec de la “grande banque belge”
91 Le projet de “grande banque belge” associant la Générale de banque (groupe Suez), la Banque Bruxelles Lambert-BBL (groupe GBL) et le Crédit communal n’a pas connu le même développement que la réforme des institutions publiques de crédit. C’est à Daniel Cardon de Lichtbuer, président du comité de direction de la BBL, que l’initiative en est attribuée. Au début 1995, d’après le journal Le Soir, Daniel Cardon s’interroge sur le devenir de l’institution qu’il dirige. Sa préoccupation est partagée par Albert Frère, président de GBL, le premier actionnaire de la banque.
92 Des contacts sont pris avec les dirigeants de la Société générale de Belgique, l’actionnaire principal de la Générale de banque, pour étudier l’idée d’un rapprochement entre les deux établissements de crédit. Une double objection est émise du côté de la SGB : d’une part, le possible veto qui pourrait être opposé par le groupe néerlandais ING, qui possède 20 % du capital de la BBL, et, d’autre part, la taille relativement modeste qui serait celle de la nouvelle entité par rapport à des groupes financiers tels que ING ou ABN-AMRO, eux aussi issus de fusions.
93 Pour parer à ce deuxième inconvénient, François Narmon, président du comité de direction du Crédit communal, est alors approché. Le Crédit communal est un partenaire de longue de date de la BBL. C’est à son principal actionnaire, GBL, qu’il a racheté la moitié des parts de la Banque internationale à Luxembourg et il est aussi, avec une participation directe et indirecte de 12,4 %, un actionnaire important de la BBL.
94 L’intérêt manifesté par les dirigeants du Crédit communal pour ce projet de partenariat à trois repose essentiellement sur deux facteurs : d’une part, le nécessaire élargissement des activités du Crédit communal, trop centrées sur la clientèle des pouvoirs locaux, et, d’autre part, l’utilité d’un regroupement des banques belges à quelques années de l’introduction de la monnaie unique européenne et de la concurrence qui va se développer à l’échelle du continent.
95 Ce partenariat envisagé entre trois des quatre premières banques du pays reçut l’aval à peine dissimulé tant de Philippe Maystadt, ministre des Finances, que de Fons Verplaetse, gouverneur de la Banque nationale de Belgique.
96 Le type d’actionnariat du Crédit communal a été le principal obstacle à la mise en œuvre du projet Même si on regroupait leurs participations au sein d’une même société, les communes et les provinces, en effet, ne constituaient pas un groupe financier susceptible d’adopter un comportement identique à celui d’un holding classique. Par ailleurs, compte tenu du fait qu’elles contrôlent entièrement le Crédit communal, leur participation dans la nouvelle entité dépasserait vraisemblablement le niveau de 30 % et en tout cas le seuil de la minorité de blocage (25 %). Ce poids prépondérant des communes face aux autres actionnaires potentiels (et notamment la Société générale de Belgique et, à travers elle, le groupe Suez) a renforcé les résistances du côté de la Générale de banque. Au surplus, ce partenariat à trois ne réglait en rien l’hypothèque que constituait toujours la présence d’ING dans le capital de la BBL et aggravait en outre le coût social de la rationalisation du réseau, qui était un des objectifs recherchés.
97 Le projet de “grande banque belge” a été abandonné à la veille de l’hiver 1995-1996, bien avant, semble-t-il, que l’Association des villes et communes flamandes ainsi que Luc Van den Brande, président du gouvernement flamand, n’y marquent leur opposition.
98 La place était libre à l’alliance entre le Crédit communal et le Crédit local de France.
La mise en place de la nouvelle structure
99 L’échec du projet “grande banque belge” a incité les dirigeants du Crédit communal à rechercher un autre type d’alliance. C’est avec son homologue français, le Crédit local de France-CLF, que ce partenariat a été mis en œuvre. Ce rapprochement, qui a pris le nom de Dexia, a été opéré en moins de douze mois, soulevant finalement moins d’opposition qu’on aurait pu le supposer.
Les premiers contacts entre le CCB et le CLF
100 Les institutions financières européennes ayant pour objet le financement des collectivités locales sont associées au sein d’un groupement dénommé Centre international pour le crédit communal. Constitué en 1958, il a son siège à Bruxelles. En font partie une vingtaine d’institutions spécialisées dans le financement des collectivités locales. Les dirigeants de ces établissements s’y retrouvent au rythme de deux réunions par an. C’est dans ce cadre qu’au début des années 1980, François Narmon a fait la connaissance de Pierre Richard, à l’époque responsable de la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales-CAECL, un organisme relevant de la Caisse des dépôts et consignations, une des institutions financières publiques les plus puissantes en France.
101 Lorsqu’en 1987, le gouvernement de Jacques Chirac a décidé d’ériger la CAECL en entité juridique autonome dotée du statut de société anonyme, sous le nom de Crédit local de France-CLF et d’ouvrir son capital, le Crédit communal de Belgique a été sollicité pour prendre une participation de 3 % dans son capital. Les dirigeants du CCB qui, à l’époque, étudiaient diverses pistes pour nouer des alliances transfrontalières, ont répondu positivement à cette proposition. Les actions ont été souscrites au prix de 100 francs français l’unité. Depuis cette date, François Narmon siège au conseil d’administration du CLF.
102 En 1992, le gouvernement d’Edouard Balladur, dans une perspective de désengagement des pouvoirs publics, a décidé l’introduction du CLF à la bourse de Paris. A cette occasion, la participation du Crédit communal a été portée à 5 %. Si ses dirigeants ont un moment envisagé d’accroître ce pourcentage, les responsables du CLF pensaient, eux, à une alliance plus structurée et sur un pied d’égalité entre les deux institutions. “Et si on se mariait ?” a dit à l’époque Pierre Richard à François Narmon, rapporte le journal Le Soir. La structure du Crédit communal, dont l’actionnariat était verrouillé, ainsi que les projets de regroupement dans le secteur bancaire en Belgique ont gelé pendant quelques années cette proposition de partenariat.
Le Crédit local de France
103 Le Crédit local de France-CLF a pris la succession, en 1987, de la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales-CAECL, département de la Caisse des dépôts et consignations. Bénéficiant du statut de société anonyme, il a été, dès le départ, doté d’un capital de 3,25 milliards de francs français. Quelques semaines après sa création, en date du 7 janvier 1988, 27,5 % des actions ont fait l’objet d’une vente de gré à gré, dont 3 % furent attribués au Crédit communal de Belgique.
104 En novembre 1991, une tranche supplémentaire de 27 % du capital a été cédée, dans le cadre d’une offre publique de vente à des investisseurs institutionnels, français pour la plupart Dans le même temps, le titre était introduit à la bourse de Paris. Peu après, le capital a été porté à 3,57 milliards de francs français. La participation du Crédit communal a été portée à 5 %.
105 En juin 1993, le CLF a fait l’objet d’une privatisation à la faveur d’une nouvelle offre publique de vente portant sur 30,5 % du capital. La participation de l’Etat, déjà ramenée de 50,5 à 25,5 % en novembre 1992, était réduite à 8 %.
106 Le 26 septembre 1992, le gouvernement français annonçait sa décision de revendre sa participation de 7,5 % dans le CLF. Cette cession a été opérée avec le concours de la banque ABN Amro Rothschild qui a ensuite procédé à un reclassement des actions auprès des institutionnels. L’arrivée de la société à portefeuille belge Gevaert dans le capital se situe, semble-t-il, dans le cadre de cette opération. Avant son alliance avec le Crédit communal, son actionnariat se décomposait comme suit :

107 Cet actionnariat est aujourd’hui celui du CLF Holding, dont le titre a pris la place, à la bourse de Paris, de celui du CLF “opérationnel”. Le capital de ce dernier est contrôlé à part égales par le CCB Holding et le CLF Holding.
108 Contrairement au Crédit communal de Belgique, le Crédit local de France (opérationnel) n’est pas une banque au sens traditionnel, mais une “institution financière spécialisée”. A ce titre, il n’est pas, par exemple, autorisé à accepter des dépôts. Son objet consiste dans l’octroi de prêts à long terme pour le financement des investissements des collectivités territoriales (municipalités, départements, régions, concessionnaires d’équipements publics, etc.). Il trouve à cet effet ses ressources sur le marché international des capitaux, principalement sur le marché des euro-obligations. Il est le premier émetteur mondial sur l’euromarché (hors États et organismes supranationaux). Il emprunte essentiellement en marks allemands, en dollars américains, en francs français, en yens japonais et en francs suisses. L’agence de notation Moody’s a récemment ramené sa cotation de “AAA” à “AA1” en raison du “rétrécissement de ses marges”.
109 Chaque année, le CLF prête environ 50 milliards de francs français aux collectivités locales, ce qui lui assure une part de marché comprise entre 40 et 45 %. Son encours de prêts à long terme dépasse les 300 milliards de francs français. Les principaux concurrents qu’il a à affronter sur ce marché sont les Caisses d’épargne “Ecureuil”, la Caisse des dépôts et consignations, d’autres établissements de crédit français ainsi que, depuis peu, des grandes banques étrangères (allemandes surtout). Son réseau se limite à vingt-trois directions régionales, auxquelles il faut ajouter six implantations départementales.
110 Parmi ses principales filiales françaises, on relève :
- Floral : émission d’emprunts sur le marché domestique (total bilantaire : 31 milliards de francs français) ;
- CLF Immo : promotion immobilière (1,4 milliard) ;
- Flobail : crédit-bail (13 milliard) ;
- CLF Banque : financement à court terme des collectivités locales (0,4 milliard).
111 Avec 36 % des parts, le CLF est aussi un des principaux actionnaires de la société Le Monde Investisseurs.
112 En dehors de l’Hexagone, et outre sa succursale de New York (CLF New York Agency), le CLF dispose de filiales opérationnelles dans quatre pays, toutes dans des institutions spécialisées dans le financement des collectivités locales :
- en Allemagne : CLF Hypothekenbank Berlin (50,5 % du capital, total bilantaire de 48 milliards de francs français) ;
- en Grande-Bretagne : CLF Municipal Bank (99,9 %, 13,3 milliards de francs français) ;
- en Espagne : CLF Espana (100 %, 4,6 milliards de francs français) ;
- en Autriche : Osterreich Kommunalkredit (26 %, 3,3 milliards de francs français).
113 À ces quatre filiales, il faut ajouter celle qui vient d’être créée en Suède et le bureau de représentation tout récemment ouvert au Portugal.
La formation du groupe Dexia
114 C’est à la fin de l’année 1995, après l’échec du projet “grande banque belge”, que les contacts ont été renoués entre les dirigeants du CCB et du CLF en vue d’un rapprochement étroit entre les deux établissements. Le modèle dont ils se sont inspirés en vue de leur alliance a été le partenariat entre les compagnies d’assurances belge AG et néerlandais Amev dans le cadre du groupe Fortis.
115 La possibilité a été un moment envisagée d’associer à cette structure franco-belge un troisième partenaire lui aussi spécialisé dans le financement des pouvoirs locaux, le néerlandais Bank Nederlansche Gemeenten-BNG. Les hésitations des dirigeants de cette dernière, et surtout les difficultés liées à la direction d’un groupe tricéphale, ont incité François Narmon et Pierre Richard à concentrer leurs efforts sur l’alliance CCB-CLF.
116 Le principe de base du partenariat a donc été la constitution de deux holdings, un français et un belge, détenant chacun la moitié du capital des deux sociétés opérationnelles. Une difficulté soulevée du côté français résidait dans l’actionnariat du Crédit communal, dont le capital était entièrement détenu par les communes et les provinces. Aux yeux des dirigeants du CLF, le holding de contrôle belge devait lui aussi, à l’instar de son homologue français, voir son capital ouvert à d’autres actionnaires, en particulier au travers d’une introduction en bourse. François Narmon obtint à cet effet, en février, l’accord des principaux responsables politiques belges, au sein du gouvernement et dans les partis. Le 24 du même mois, le journal De Morgen annonça l’entrée prochaine du Crédit local de France dans le capital du Crédit communal. L’information fut démentie deux jours plus tard.
117 Le 13 mars 1996, le journal financier De Financieel-Ekonomische Tijd annonça la conclusion d’un accord entre les dirigeants du CCB et ceux du CLF. Après avoir envisagé un instant de démentir, ceux-ci publièrent un communiqué commun précisant qu’“un rapprochement était à l’étude”. Dans les jours qui ont suivi, une polémique s’engagea entre les représentants de l’Association des villes et communes flamandes et ceux de l’Union des villes et communes wallonnes, mais elle porta moins sur l’équilibre au sein de l’actionnariat du Crédit communal que sur le principe de l’alliance avec le Crédit local de France.
118 Le 8 mai, lors de l’assemblée générale ordinaire des actionnaires du CCB, mandat fut donné au conseil d’administration de poursuivre les pourparlers avec les dirigeants du CLF. Ceux-ci débouchèrent sur un accord de principe le 9 juillet. Six jours plus tard, les sociétés Holding Communal et Crédit communal Holding étaient constituées.
119 Le 13 août, la Commission européenne marquait son assentiment à la constitution du groupe. Il restait à obtenir l’approbation des assemblées générales des deux sociétés. Celle du CU, réunie le 9 octobre, approuva la réforme à la majorité de 87 % des votants. En Belgique, l’assemblée des actionnaires, convoquée pour le 14 octobre, fut précédée d’un périple des dirigeants du CCB à travers tout le pays, en vue d’expliquer aux mandataires communaux et provinciaux, la portée de la restructuration. Lors de l’assemblée générale, où furent représentées 297.157 actions (sur 350.000), les diverses propositions de modification des statuts furent adoptées à une très large majorité, variant de 97 à 99,7 % des voix.
Les lignes de faîte du partenariat CCB-CLF
Les objectifs de l’alliance
120 D’après les dirigeants du Crédit communal de Belgique et du Crédit local de France., l’alliance entre les deux sociétés poursuit un triple objectif :
- constituer un groupe bancaire d’envergure européenne, numéro un dans le domaine du financement des collectivités locales et des grandes infrastructures ; ils entendent à cette fin regrouper leurs moyens et exploiter leurs implantations internationales ;
- renforcer leurs positions respectives sur leurs marchés domestiques, notamment en diversifiant les sources de financement et les produits de placement des deux établissements ;
- développer une stratégie commune, basée pour l’essentiel, d’une part, sur la promotion des synergies internes en matière de bancassurance, de “private banking” et de gestion d’actifs et, d’autre part, sur la gestion des participations et acquisitions de nature stratégique.
- “Il est ainsi envisagé”, annonce le prospectus de l’offre publique de vente, “de développer une structure regroupant toutes les participations étrangères qui concernent le métier de base des deux partenaires et d’y intégrer les futures prises de participation. L’ensemble de ces participations serait dès lors détenu à parité par les deux banques”.
Les structures du groupe

Les conventions
121 Signées le 9 juillet 1996, deux conventions ont réglé l’échange des actions entre les deux holdings et les rapports futurs entre les deux partenaires.
122 La “convention d’échange” a défini les valeurs respectives des deux sociétés et fixé les règles d’une politique de dividende harmonisée, tenant compte des différences de traitement fiscal des dividendes.
123 La “convention d’actionnaires” énumère trois principes de base :
Les organes de gestion
124 Les conseils d’administration de chacun des deux sociétés holding ? comportent des représentants du partenaire.
125 Ainsi, dans le conseil du CCB Holding, on retrouve, outre les onze membres représentant les actionnaires du holding et deux membres du comité de direction du CCB (banque), deux membres administrateurs du CLF Holding (Philippe Lagayette et Gérard Worms) et deux membres faisant partie du comité de direction du CLF société opérationnelle (Pierre Richard et Rembert von Lowis).
126 On retrouve un équilibre identique dans la composition du conseil d’administration du CLF Holding avec dix représentants de l’actionnariat, Philippe Lagayette et Jean-Pierre Brunel pour la CDC, Pierre Darnis (CNP), Pieter-Paul van Besouw (BNG), Michel Berthezène (UAP), Philippe Levaux (Fédération des travaux publics), Bertrand Collomb (groupe Lafarge), Denis Kessler (CNPF), Michel Pasquet (actionnaires individuels) et Gérard Worms (Rothschild et Cie Banque), deux membres du comité exécutif du CLF, Pierre Richard et Rembert von Lowis, deux membres du comité de direction du Crédit communal, François Narmon et Luc Onclin, ainsi que deux administrateurs du CCB-Holding, Tony van Parijs et Guy Spitaels.
127 La composition des conseils d’administration des deux établissements de crédit reflète une préoccupation identique. Ainsi, dans le conseil du CCB (banque), on retrouve, outre les douze administrateurs désignés par le CCB Holding, six membres présentés par le CLF Holding en tant qu’actionnaires (Philippe Lagayette, Gérard Worms, Pieter-Paul van Besouw, Jean-Pierre Brunel, Denis Kessler et Michel Berthezène), ainsi que deux membres qui font partie du comité de direction du CLF société opérationnelle (Pierre Richard et Rembert von Lowis). Assistent également aux réunions du conseil d’administration en qualité d’observateurs, Olivier Ritz, Jacques Guerber, Roland Hecht et Philippe Valletoux, tous membres du comité de direction du CLF (société opérationnelle). La présence de ces quatre observateurs équilibre, sur le plan du nombre, la délégation “belge” et la délégation “française”.
128 Parallèlement, on retrouve dans le conseil du CLF (société opérationnelle), six membres désignés par le CCB Holding en tant qu’actionnaires (Guy Spitaels, Tony Van Parys, Frank Beke, Rik Daems, François-Xavier de Donnéa et Joseph Michel) ainsi que deux membres faisant partie du comité de direction du CCB Banque (François Narmon et Luc Onclin). En outre, quatre “censeurs”, membres également du comité de direction du CCB (banque) assistent aux réunions du conseil d’administration avec voix consultative. Il s’agit de Guy Schifflers, Jozef Asselbergh, Martine Decamps et Paul Vanzeveren.
129 Les comités de direction des deux établissements de crédit ne sont pas concernés par cet équilibre des représentations.
130 Outre cette composition particulière des conseils d’administration, le partenariat s’est traduit, au niveau des organes responsables, par la mise en place de deux comités de concertation. A l’échelon des établissements de crédit, a été institué un comité consortial, composé des quatre membres faisant partie des comités de direction des deux établissements de crédit (François Narmon et Luc Onclin, Pierre Richard et Rembert von Lowis) et chargé de coordonner les décisions des conseils d’administration ainsi que des comités de direction. Ce comité consortial est appuyé par des comités opérationnels bilatéraux composés de cadres supérieurs. A l’échelon des deux holdings fonctionne un comité stratégique qui, outre les membres du comité consortial, comprend deux membres de chacun des conseils d’administration (Tony Van Parys et Guy Spitaels, Philippe Lagayette et Gérard Worms). Il a pour mission de “veiller à la cohérence de l’ensemble du groupe”. C’est sous son impulsion que les conseils d’administration des deux holdings définissent la stratégie générale du groupe.
L’équilibre au sein du groupe Dexia
131 La présentation conjointe des principales données financières des deux banques permet de se faire une idée de la taille des deux sociétés, ainsi que de la dimension de la nouvelle entité.
Données financières (en milliards de francs belges, au 30 juin 1996)

Données financières (en milliards de francs belges, au 30 juin 1996)
Résultats d’exploitation (en milliards de francs belges, au 30 juin 1995)

Résultats d’exploitation (en milliards de francs belges, au 30 juin 1995)
La structure du groupe Crédit communal
132 Depuis la mise en place de Dexia, le groupe Crédit communal est doté d’une structure à quatre niveaux.
Le Holding Communal
133 Constitué le 15 juillet 1996, le Holding Communal est la société faîtière du groupe. Il a pour objet de détenir et de gérer une participation majoritaire dans le capital du CCB-Holding. Sauf changement d’objet social décidé par une assemblée générale des actionnaires statuant à la majorité des 4/5 des voix, il doit donc garder plus de 50 % des droits de vote liés aux titres CCB-Holding.
134 Compte tenu de la participation de 65,5 % qu’il détient dans le CCB-Holding et de la valeur proposée du titre lors de l’introduction en bourse, la valeur du Holding Communal peut être estimée à 64,3 milliards de francs.
135 Son actionnariat est identique à celui de l’“ancien” Crédit communal. Il est donc composé des 589 communes de Belgique, des 10 provinces ainsi que d’une wateringue (voir annexe). Les titres du Holding Communal ne sont cessibles qu’entre actionnaires.
136 Le conseil d’administration du Holding Communal se compose de onze membres, qui étaient ceux du conseil de l’“ancien” Crédit communal, à l’exception de ceux siégeant au comité de direction (voir deuxième partie). Il est toujours présidé par Gilbert Mottard.
Le Crédit communal-Holding
137 Constituée également le 15 juillet 1996, cette société a pour nom Crédit communal-Holding/Dexia Belgium, en abrégé Crédit communal-Holding ou Dexia Belgium. Elle est également appelée CCB-Holding. Son appellation boursière est Dexia CC.
138 Le CCB-Holding a pour objet de détenir et de gérer une participation dans le capital du CCB (banque) et du CLF (banque). Il doit avoir la moitié des droits de votes liés aux titres émis par ces deux sociétés.
139 Son capital social s’élève à 59,4 milliards de francs et est représenté par 36.714.360 actions, réparties comme suit.
Répartition du capital de CCB-Holding

Répartition du capital de CCB-Holding
140 Seules 12.666.454 actions (34,5 % du capital) ont été inscrites au premier marché de la bourse de Bruxelles.
141 Le bilan “pro forma” établi au 30 juin 1966 fait apparaître des immobilisations financières à concurrence de 77,2 milliards de francs et un total bilantaire équivalent Sur la base du prix proposé lors de l’offre de vente, à savoir 2.675 francs par action, la valeur du CCB Holding peut être estimée à 98,2 milliards de francs.
142 Son conseil d’administration, élu par l’assemblée générale du 23 octobre 1996, est composé de dix-sept membres. On y retrouve, outre quatre administrateurs désignés sur proposition du CLF Holding (Philippe Lagayette, Pierre Richard, Rembert von Lowis et Gérard Worms), Tony Van Parys (président), François-Xavier de Donnéa, Frank Beke, Karel De Gucht, Jef Gabriels, André Gantman, Albert Liénard, Joseph Michel, Gilbert Mottard, Guy Spitaels ainsi que François Narmon (administrateur délégué) et Luc Onclin.
Le Crédit communal Banque
143 Le Crédit communal Banque est l’héritier de l” “ancien” Crédit communal de Belgique. Son capital est, statutairement, détenu à parité par le CCB Holding et et le CLF Holding.
144 Son conseil d’administration est composé de vingt membres relevant de deux catégories :
- douze administrateurs présentés par le CCB Holding, en l’occurrence Guy Spitaels (président), Rik Daems (vice-président), Frank Beke, François-Xavier de Donnéa, Joseph Michel et Tony Van Parys, ainsi que les six membres du comité de direction ;
- huit administrateurs présentés par le CLF Holding, à savoir Philippe Lagayette, Gérard Worms, Pier-Paul van Besoux (BNG), Jean-Pierre Brunel, Denis Kessler et Michel Berthezène, ainsi que, choisis dans le comité de direction du CLF Banque, Pierre Richard et Rembert von Lowis.
Les filiales consolidées
145 L’alliance avec le CLF n’a jusqu’à présent apporté aucune modification aux participations financières du Crédit communal. Le CCB-Banque reste donc l’actionnaire de référence de la BIL, du groupe Cregem, des Comptoirs d’escompte et du groupe Experta. Il garde ses participations dans le CLF devenu CLF Holding, dans Mega et Mega Life, dans la BBL, etc.
146 L’accord avec le CLF prévoit la création d’une structure commune, contrôlée à parité entre les deux banques et destinée à regrouper toutes les participations étrangères qui concernent le métier de base des deux partenaires et d’y intégrer les futures prises de participation.
L’introduction du Crédit Communal Holding à la bourse de Bruxelles
147 L’introduction de la structure intermédiaire du groupe à la bourse de Bruxelles a été annoncée dès le printemps de 1996. La forme retenue a été celle non pas d’une augmentation de capital du CCB Holding, mais d’une vente, par le Holding Communal, la société faîtière du groupe, d’une partie de la participation qu’elle détenait dans le capital du CCB Holding. La fourchette annoncée était de 25 à 30 % des actions. Plus tard, la décision a été prise de mettre sur le marché 30 % du capital, avec la possibilité d’augmenter ce pourcentage de 15 % (soit 34,5 % au total) si des tensions apparaissaient sur le cours de l’action dans les premiers jours de la cotation, au lendemain du 20 novembre. Il convient de souligner que, statutairement, le Holding Communal a pour objet de détenir et gérer une participation majoritaire dans le capital du CCB Holding. Ce qui implique que, sauf décision d’une assemblée générale extraordinaire statuant à la majorité des 4/5 des voix, il devra garder dans le futur plus de 50 % des droits de vote.
148 Cette vente a pris la forme d’une “offre en vente combinée” comportant, d’une part, une offre publique de vente en Belgique, destinée aux particuliers et portant sur 3.212.507 actions et, d’autre part, un placement privé auprès d’investisseurs institutionnels de 5.966.083 actions. En outre, 1.835.718 actions avaient fait l’objet d’un préplacement auprès de la SMAP, de sorte que cette offre combinée portait sur 11.014.308 actions, soit 30 % du capital du CCB Holding. 12.666.454 actions sur un total de 36.714.360 (34,5 % du capital) ont été inscrites au premier marché de la bourse de Bruxelles.
149 L’organisation et la mise en œuvre de cette opération ont été confiées à la société londonienne Morgan Stanley & Co (“global coordinator”) ainsi que, pour l’offre publique de vente, à un consortium de cinq banques belges : la BBL et le CCB en tant que “joint lead managers”, la Banque Paribas Belgique, la Générale de banque et la Kredietbank en qualité de “managers”.
150 Approuvé par la Commission bancaire et financière le 22 octobre, le prospectus d’émission a été rendu public le 4 novembre.
151 Le prix de l’action a été fixé en tenant compte de la valeur intrinsèque du Crédit communal Banque et du Crédit Local de France (société opérationnelle), qui constituent le patrimoine du Crédit communal Holding, du climat boursier, ainsi que du cours, à la bourse de Paris, de l’action du Crédit local de France (holding), dont le portefeuille est identique à celui du Crédit communal Holding.
152 Rendu public le 8 novembre, le prix de l’action a été fixé à 2.675 francs. Ce prix a été jugé par une majorité d’analystes financiers légèrement supérieur au niveau attendu. En effet, le 7 novembre, le cours du CLF à la clôture de la bourse de Paris était à 445 francs français, soit 2.700 francs belges. On s’attendait à un écart d’environ 100 francs belges en raison, d’une part, de la moindre liquidité du titre Dexia CC (appelation boursière du CCB Holding) et, d’autre part, dans l’inclusion, dans le titre CLF, d’un dividende extraordinaire à verser en décembre. Il s’agissait d’un prix maximum, le prix définitif n’étant connu que le 20 novembre.
153 La souscription a été ouverte du vendredi 8 novembre au 15 novembre inclus. La tranche “particuliers” a cependant été clôturée anticipativement, après deux jours de souscription, le 12 novembre. Pour le total des deux tranches, le total des ordres a excédé l’offre. Cette sur-souscription a débouché, d’une part, sur le transfert de 900.000 actions de la tranche “institutionnels” à la tranche “particuliers” et, d’autre part, sur une répartition des actions au sein de cette dernière tranche :
- les souscripteurs qui se sont adressés à une banque “joint lead managers” (BBL ou CCB) auront droit à vingt actions plus un nombre variant en fonction de l’importance de l’ordre ;
- les souscripteurs qui se sont adressés à une banque “manager” (Générale de banque, Paribas ou Kredietbank), auront droit à vingt actions ;
- les souscripteurs qui se sont adressés à un autre intermédiaire financier (banque “ordinaire” ou société de bourse), n’auront droit qu’à cinq actions.
154 Les modalités de cette répartition, non explicitement spécifiées dans le prospectus, ont suscité une controverse, ainsi que des réserves émises par la Commission bancaire et financière à propos du contenu du prospectus qu’elle avait pourtant approuvé.
155 L’action Dexia CC a été cotée pour la première fois à la bourse de Bruxelles le 20 novembre. Le cours de clôture du premier jour a été de 2.800 francs.
156 Le procédure dite du “green shoe”, qui permettait au syndicat bancaire de porter de 30 à 34,5 % la part du capital offerte aux souscripteurs, a été actionnée à la fin du mois de novembre, ce qui a permis d’offrir aux investisseurs institutionnels 1.652.146 actions supplémentaires.
Considérations finales
157 Créé pour faciliter le financement des investissements des communes qui n’avaient pas accès au marché des capitaux, le Crédit communal de Belgique est devenu, au fil des décennies, le véritable “banquier des communes”, les assistant dans l’ensemble de leurs opérations budgétaires. D’institution spécialisée, il s’est ensuite mué en banque universelle offrant tous les services financiers (y compris les assurances) à sa clientèle. Le quatrième virage de son histoire entrepris au cours de cette décennie est aussi important, puisqu’à la fois le Crédit communal a perdu son statut d’institution publique de crédit, est sorti des frontières et s’est intégré dans un groupe international prenant place au 21ème rang des banques européennes.
158 L’acteur principal de ce changement a été François Narmon, le président du comité de direction du Crédit communal. Après avoir, malgré le scepticisme, amené son institution à prendre le contrôle de la Banque internationale à Luxembourg-BIL, il s’est opposé à la mise en œuvre d’un plan de restructuration du secteur public du crédit, dans lequel il estimait que le Crédit communal aurait perdu son rang de leader. Certains ne manqueront pas non plus de souligner qu’il a évité la régionalisation de l’organisme, à un moment où d’autres services publics (comme les télécommunications ou l’électricité) ne parviennent que difficilement à s’y soustraire. Il est difficile de s’empêcher de penser, sur ce plan, que la perspective de rentrées financières importantes a contribué à dissuader de nombreuses communes actionnaires, en particulier dans le Nord du pays, à préférer l’alliance avec le partenaire français à un éclatement du Crédit communal dont le coût aurait été non négligeable.
159 Il est certes trop tôt pour porter un jugement sur l’intégration du Crédit communal dans Dexia. La mise en place de cette nouvelle structure n’est sans doute que la première étape d’un plus long parcours qui doit la mener à ne plus dépendre d’un seul marché de moins en moins captif et à soutenir la concurrence des autres groupes financiers européens. Il faudra, dans cette perspective, suivre avec attention, les prochaines échéances que le Crédit communal devra affronter soit seul, soit avec son partenaire français, d’ici à la fin du siècle.
160 Enfin, on épinglera plus particulièrement :
- la nécessaire réorganisation, en Belgique, du réseau de distribution : si cette question apparaît moins urgente pour le Crédit communal que pour la plupart des autres banques belges, il ne pourra pas pour autant se permettre d’en faire l’économie ;
- la création et le développement d’une filiale commune du CCB-Banque et du CLF-Banque, qui sera l’outil du développement européen de Dexia : cet axe stratégique supposera sans doute, dans le chef du Crédit communal une redéfinition du rôle de la BIL ainsi que le dégagement de moyens financiers importants, qui pourraient notamment provenir de la cession de la participation du CCB-Banque dans le CLF-Holding et de ses intérêts directs et indirects dans la Banque Bruxelles Lambert-BBL ;
- la mise en œuvre de la “bancassurance” : la demande, sur ce plan, émane surtout du partenaire français ; le Crédit communal a la possibilité de développer son alliance avec la SMAP. Dans ce cas aussi, la perspective de rentrées financières non négligeables, du même ordre que celles qu’a dégagées l’opération Dexia, pourrait atténuer d’éventuelles oppositions des actionnaires de la SMAP à une possible intégration.
L’actionnariat du Crédit communal





L’actionnariat du Crédit communal
Notes
-
[1]
Voir A. Vincent, “Entreprises et holdings publics fédéraux. Restructurations et privatisations 1992-1995”, Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1488-1489, 1995.
-
[2]
Voir J. Moden, “La réforme des institutions publiques de crédit”, Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1341, 1991 ; A. Vincent, Banques et assurances. Les groupes présents en Belgique, Ed. du CRISP, 1993.