La possibilité de différencier les enfances malheureuses repose sur deux corpus d’observations fondamentales.
Le premier, le plus articulé et connu, est lié aux travaux menés sur les troubles de la personnalité et à la représentation qu’ont de leur enfance les sujets porteurs de ces troubles. L’ouvrage de Benjamin (1999) constitue ici une référence fondamentale : il reprend la classification des troubles de la personnalité du DSM IV et l’enrichit d’observations cliniques très pertinentes ainsi que des références bibliographiques les plus significatives. Son propos comporte bien sûr des limites liées à la fidélité des souvenirs qui ressurgissent au cours d’une psychothérapie ayant lieu de nombreuses années après la fin de l’enfance. Cependant, cette approche s’avère très pertinente vu la capacité de l’auteur de donner un sens aux manifestations symptomatiques en les connectant les unes aux autres, et aux récits de troubles qui se sont développés au cours d’une période plus longue que celle de l’observation directe du thérapeute. En fait, il s’agit de se mettre sur les traces d’éléments biographiques si appréciées par les psychiatres d’inspiration anthropologique-existentielle.
Le second, plus récent et plus empirique, s’appuie sur l’observation directe des enfants malheureux rencontrés au cours des vingt dernières années de travail au Centre d’aide à l’enfant maltraité et à sa famille de Rome, dans les Centres de Domus de Luna à Cagliari et dans d’autres structures pour mineurs au sein desquelles nous avons travaillé…