CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Le logement social au Royaume-Uni a joué un rôle important et durable dans l’histoire de la construction de logements. Dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, environ 50 % des nouveaux bâtiments appartenaient au secteur social et les politiques publiques avaient un double objectif d’expansion de la location sociale et de l’accès à la propriété du logement, la location privée étant résiduelle (tableau 1).

Tableau 1

Évolution de la structure d‘occupation des logements

Tableau 1
En % 1971 1981 1991 2000 2007 2011 Propriétaires 51 56 66 69 69 65 Locataires du secteur privé 19 11 9 10 12 17 Locataires du secteur public 31 32 24 21 19 18 dont : - Associations de logements nd 2 3 6 9 10 - Collectivités locales 31 30 21 15 10 8 Total (en millions) 19 21 23 25 26 27

Évolution de la structure d‘occupation des logements

Source : Department of Communities and Local Government (DCLG), table 101 (2012).

2Ceci a peu à peu changé : d’abord, le rôle des collectivités locales (local authorities) a été modifié puisqu’actuellement elles ne construisent presque plus de logement sociaux mais ont un rôle de coordinateur stratégique tandis que la construction de logements sociaux repose désormais sur les associations de logement (housing associations[3]) ; d’autre part, on est passé de la construction massive de logements sociaux financés par l’État à un rôle beaucoup plus ciblé et limité de l’État pour loger les ménages les plus défavorisés. Même si les subventions directes du gouvernement ont continué d’être prépondérantes, les ressources nécessaires pour construire de nouveaux logements sociaux ont de plus en plus impliqué des subventions indirectes, incluant l’offre de terrains à bon marché et le produit de la vente de logements avec décote à des bailleurs privés, institutions ou ménages.

3Au fil du temps, diverses mesures de politiques publiques, allant du Right to Buy[4] à la réhabilitation urbaine, en passant par la baisse des financements publics pour la construction, ont conduit à une réduction de la taille du secteur locatif social à environ 18 % du parc de logements en 2011, rapprochant ainsi le Royaume-Uni d’un certain nombre de pays européens (France, Suède ou Danemark). Le secteur a également connu une restructuration massive, via le transfert d’une partie du stock de logements sociaux des collectivités locales vers les associations de logements. Alors que dans les années 1970, les collectivités locales dominaient ce secteur, ce sont désormais les associations de logement qui détiennent la majorité du stock de logements sociaux.

4Depuis l’élection du gouvernement de coalition entre conservateurs et libéraux démocrates en 2010, des changements importants ont eu lieu concernant le mode de financement du logement social et les subventions qui lui sont versées. En particulier, l’augmentation des loyers vise à permettre des emprunts plus élevés pour financer des investissements plus importants, tout en recourant à de moindres subventions gouvernementales directes.

5Les objectifs de cette politique sont clairs : en premier lieu, mieux contrôler les finances publiques et réduire significativement les dépenses ; en second lieu, améliorer l’efficacité et le ciblage des subventions au logement tant du côté des aides à la pierre que du côté des aides à la personne. Mais ce changement de politique s’explique aussi par l’augmentation rapide des prix de l’immobilier et la détérioration de l’accès au logement au début des années 2000 ; par un accès au financement de plus en plus difficile pour les promoteurs et les acheteurs à la suite du credit crunch et de la récession qui a suivi. Dans ce contexte, le logement social est probablement confronté à son plus grand défi des quarante dernières années.

6Nombreux sont ceux qui considèrent que la nouvelle politique modifie radicalement la façon dont le gouvernement soutient le logement. D’autres voient ces politiques comme un prolongement des tendances initiées dans les années 1970 et qui se sont perpétuées à des degrés divers, en fonction du pouvoir en place. En particulier, le gouvernement conservateur du début des années 1980 a, à la fois, réduit drastiquement les dépenses de logement et mis en place des instruments permettant de « recycler » plus efficacement les logements sociaux existants pour générer des investissements additionnels.

1 – Les politiques du logement social au Royaume-Uni depuis les années 1970

7Un aspect fondamental de la politique du logement social tient au fait que les loyers sont inférieurs aux loyers du marché grâce à l’octroi d’aides à la pierre. Les principes guidant l’écart entre loyers de marché et loyers sociaux ont varié au cours du temps. Initialement, les loyers sociaux reposaient sur les coûts historiques et les subventions finançaient les nouveaux logements. À partir des années 1970, le gouvernement a décidé d’augmenter les loyers au-delà de leurs coûts directs, afin de réduire les subventions et de faire en sorte qu’une partie des nouveaux investissements soit financée par les locataires en place. De ce fait, alors qu’initialement, les augmentations de loyers étaient basées sur les hausses de coûts, elles ont ensuite cherché à atteindre des loyers-cibles individuels, partiellement reliés aux loyers de marché, avant d’être directement reliées aux loyers de marché.

8Dès lors que l’offre de logement social est limitée et que les locataires bénéficient d’un maintien dans les lieux, certains ménages éligibles ne peuvent y entrer et sont sur liste d’attente, tandis que d’autres ménages locataires du parc social ne devraient plus bénéficier de cette aide. La solution la plus évidente à ce problème est de passer d’une aide à la pierre (côté offre) à une aide à la personne (côté demande) et de s’assurer que la subvention est bien ciblée en fonction des caractéristiques actuelles du ménage. Ce choix entre aides à la pierre versus aides à la personne était au centre de la politique gouvernementale au début des années 1970. Elle a entraîné des contestations importantes au sein du parti travailliste et est revenue au premier plan au moment de la réorientation de la politique du gouvernement actuel.

1.1 – Les principes gouvernant les « aides à la pierre » et les « aides à la personne »

9Selon la théorie économique, les subventions en faveur de la demande (aides à la personne) sont plus appropriées lorsque les marchés sont efficients, car elles permettent aux locataires d’optimiser l’usage de la subvention versée et parce qu’elles ciblent mieux les ménages dans le besoin. Mais cela n’est pas toujours le cas, notamment lorsque :

  • l’offre ne s’ajuste pas facilement à la demande, ce qui se traduit par une hausse des loyers à la suite de l’octroi de la subvention ;
  • les locataires ont peu de choix en raison de l’attribution administrative ;
  • les subventions ont des effets négatifs sur l’incitation au travail ;
  • il existe des raisons supplémentaires pour aider des groupes particulièrement défavorisés ;
  • et il existe des externalités sociales et économiques positives liées au logement social en tant que tel (qualité du logement, intégration au quartier, bénéfices pour l’économie locale, bien-être du ménage).
Les arguments en faveur des subventions privilégiant l’offre (aides à la pierre) dépendent de la capacité de réponse de l’offre. En particulier :
  • il est beaucoup plus facile de s’assurer de la production de nouveaux logements si des subventions directes (ou d’autres types d’aide à la pierre) sont versées. L’expérience montre que la réponse de l’offre à la suite du versement d’aides à la personne est très limitée ;
  • l’incitation des associations de logement à réaliser de nouvelles constructions financées sur leurs fonds propres repose uniquement sur leur mission consistant à aider les ménages à faibles revenus et les groupes les plus vulnérables. Les subventions en faveur de la demande étant plus incertaines, cela réduit autant l’incitation que la capacité financière à construire.
Il faut cependant préciser que les subventions ne prennent pas nécessairement la forme d’une aide directe versée par le gouvernement central. Notamment, les subventions passées peuvent être « recyclées » via des emprunts gagés sur des actifs construits grâce à ces subventions. Cela implique toutefois des augmentations de loyer pour les locataires actuels et futurs et donc une hausse des allocations-logement basée sur le revenu de la personne. Des subventions en nature peuvent également être fournies, notamment sous la forme de terrains publics bon marché ou via l’imposition des propriétaires fonciers.

1.2 – Le financement du logement social

10La situation actuelle reflète la tendance engagée dès les années 1970, au moment où les prestations liées au revenu ont été introduites et où la pénurie de logements d’après-guerre a été surmontée. L’introduction de prestations liées au revenu, à une époque où le logement social accueillait plus de 30 % des ménages, était justifiée par l’augmentation des loyers, ces derniers ne reposant plus sur le coût historique des logements mais sur la valeur du bien. Ce fut le début de la transition d’un système basé sur les aides à la pierre vers un financement reposant sur les aides à la personne et l’utilisation plus large du stock de logements existants comme collatéral pour des emprunts destinés à financer de nouveaux logements (Whitehead, Gibb et Stephens, 2005).

11Jusqu’à la fin des années 1970, les collectivités locales pouvaient choisir leurs propres stratégies d’investissement. Elles recevaient une subvention du gouvernement central pour chaque logement, subvention qu’elles pouvaient ensuite compléter par les revenus de la fiscalité locale. Au cours de la décennie suivante, les marges de manœuvre des collectivités ont été limitées peu à peu et, à partir de 1988, ces dernières ne pouvaient plus emprunter pour financer leurs investissements immobiliers. L’attribution des subventions a été modifiée de façon à obliger les collectivités locales à augmenter les loyers. Dans le même temps, les associations de logement sont devenues les principaux pourvoyeurs de nouveaux logements sociaux.

12Le système actuel d’aides à la pierre pour les associations de logements a été introduit dans le cadre du Housing Act de 1988. Cette loi a autorisé les associations de logements à emprunter et à gager les nouveaux investissements sur leur capital. Dans le cadre d’une précédente loi, les collectivités locales avaient déjà reçu l’autorisation de transférer leur stock de logements aux associations de logements par le biais d’un rachat de gestion. Ces réformes ont permis un meilleur ciblage des subventions et davantage de contrôle des dépenses publiques.

13Dans le but de financer de nouvelles constructions, les associations de logements ont été autorisées à emprunter des fonds gagés sur la valeur de leur capital et sur les hausses de loyers. Des subventions en capital étant accordées dans le cadre d’un processus concurrentiel, l’objectif était de réduire ces subventions à 50 % (contre, auparavant, presque 100 % dans certains cas). Durant les premières années, les loyers ont été augmentés de façon significative, en partie pour constituer des réserves destinées à réduire les coûts d’emprunt (Chaplin et al., 1995). Mais, au milieu des années 1990, la hausse des loyers a été telle que le coût des allocations-logement versées par le gouvernement a fortement augmenté et que les loyers ont dû être contrôlés. Les subventions en capital n’ont donc pas pu diminuer autant que prévu, le financement des nouvelles constructions ayant continué de dépendre en grande partie de ces aides.

14Le nouveau système est à bien des égards un retour aux principes de 1988 : les loyers doivent augmenter pour permettre aux associations de logements de financer leurs nouvelles constructions via l’emprunt et de moindres subventions, les allocations-logement participant au bouclage. Mais la réalité nous montre que cette approche a des limites. Au sein du parc social, on observe que les loyers évoluent plus ou moins avec ceux du marché. Toutefois, dans les zones tendues, les loyers sont toujours bien plus faibles dans le logement social, alors que dans certaines régions peu tendues, les niveaux des loyers sociaux sont beaucoup plus proches de ceux du secteur privé.

15Les promoteurs privés sont désormais sur un pied d’égalité avec les associations de logements et les collectivités locales pour obtenir les subventions. Depuis la crise financière, les promoteurs privés considèrent le « logement abordable » (affordable housing) comme moins risqué que l’investissement dans le secteur locatif privé. Il peut fournir un flux de financement et permet d’utiliser leur capitalisation limitée de façon plus efficace. De plus, dans le cadre du plan de relance, de nouvelles subventions existent pour les projets prêts à démarrer et ces subventions pourraient être étendues dans le prochain budget. Beaucoup de promoteurs sont également impliqués dans les programmes HomeBuy direct et maintenant FirstBuy et NewBuy – qui sollicitent les fonds propres des promoteurs –, programmes qui soutiennent l’accès à la propriété pour les locataires à revenus moyens et faibles. Les entreprises de construction sont donc susceptibles de vouloir poursuivre leur collaboration avec les associations de logements.

16Le Royaume-Uni reste atypique comparé aux autres pays européens : il utilise à la fois des subventions en faveur de l’offre et en faveur de la demande, ciblant les mêmes groupes de ménages au sein du parc social. Le Royaume-Uni semble en train de basculer dans un système proche de celui des Pays-Bas, avec un accent moindre donné aux allocations-logement et une priorité mise sur la valorisation du capital qui permet une plus grande capacité d’emprunt et de construction. Le système actuel, bien que conservant le principe des subventions en capital, en diminue fortement l’ampleur – ces subventions pouvant être éliminées progressivement après 2015. L’objectif de long terme est de rendre le secteur social presque entièrement autofinancé, à l’exception du foncier faisant l’objet de baux à construction. Dans le même temps, les subventions sont réorientées vers les ménages aux faibles ressources, par le biais des allocations-logement.

1.3 – Qui sont les locataires du parc social ?

17À l’époque où le logement social accueillait plus de 30 % des ménages, celui-ci n’était pas seulement réservé aux ménages vulnérables, mais concernait aussi les ménages des classes moyennes, notamment les ménages au service de l’économie locale (Holmans, 1970). Le profil des ménages occupant le parc social a changé pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le Right to buy, introduit en 1980, a transformé près de 2 millions de ménages locataires du parc social en propriétaires. Ensuite, à partir des années 1970, la libéralisation des marchés financiers a permis à un grand nombre de ménages de s’endetter pour acquérir leur logement.

18Le gouvernement conservateur du début des années 1980 a modifié la logique des attributions des logements sociaux. Il est passé d’une approche généraliste à une approche plus ciblée vers les ménages vulnérables ayant besoin d’une aide, lesquels ont ainsi bénéficié du système de loyers faibles dans le parc social. Parallèlement, les locataires les plus aisés au sein du parc social ont pu acquérir le statut de propriétaire. Ceci s’est traduit par une « résidualisation » [5] croissante du parc social avec environ 2/3 de ses locataires bénéficiant d’une allocation-logement.

19Le Rapport Hills publié en 2007 (Hills, 2007) a constitué une étape importante dans la réflexion autour du rôle du logement social. Hills soulignait en particulier l’inquiétude suscitée par cette conception « résiduelle » (Monk et al., 2006).

20Vers la fin de son mandat, le gouvernement travailliste a résisté aux pressions cherchant à mettre fin à l’obligation pour les collectivités locales de privilégier les ménages le plus en « besoin de logement ». Cependant, il a répondu aux préoccupations en encourageant l’utilisation des politiques locales de location. Ce gouvernement a aussi indiqué qu’il n’était pas nécessaire de louer tous les logements aux ménages les plus démunis, du moment que ces ménages bénéficiaient par ailleurs d’un accès au logement (CLG, 2009 ; DCLG, 2010). Cela a permis le retour des travailleurs à faibles revenus dans le parc social. Les années 2000 ont également vu le développement de modèles de locations intermédiaires, en élargissant à la fois le type de logements sociaux disponibles et les groupes de ménages concernés.

21On retrouve le résultat de ces évolutions dans le tableau 2, lequel fournit les caractéristiques démographiques et économiques des ménages du secteur social comparativement à celles des locataires du parc privé et à celles de l’ensemble des ménages.

Tableau 2

Caractéristiques économiques et démographiques des ménages en 2010-2011 selon leur statut d’occupation

Tableau 2
En % Locataires du parc social Locataires du parc privé Tous statuts d’occupation (y.c. propriétaires) âge 25-34 ans 14 36 15 65 ans et plus 29 8 26 Statut d’activité En emploi 32 69 59 Au chômage 10 6 3,4 Inactif (hors retraités) 27 16 10 Ethnie Minorité 16 18 10 Type de ménage Couple avec des personnes à charge 16 19 21 Parent isolé avec des personnes à charge 17 12 7 Personne de moins de 60 ans 19 23 14 Taille du ménage Une personne 43 29 29 Deux personnes 24 34 34 Quatre personnes et plus 18 19 20 Total 17 14 100

Caractéristiques économiques et démographiques des ménages en 2010-2011 selon leur statut d’occupation

Source : Enquête sur le logement anglais (English Housing Survey, 2012), totalité des ménages.

22Le rôle des bailleurs sociaux s’est aussi développé via d’autres moyens, surtout durant la dernière décennie. En particulier, les associations de logements ont joué un rôle central pour proposer des produits intermédiaires, notamment sous la forme de propriété partagée. Cette formule implique que le ménage achète une partie de son logement et loue le reste à une association de logements, avec un droit de propriété pouvant atteindre jusqu’à 100 % dès que le ménage dispose de suffisamment de ressources. De plus, un accent croissant a été mis sur les logements dont le loyer est proche de celui du marché, essentiellement au bénéfice des travailleurs « clés » tels que instituteurs, infirmiers … (Monk et Whitehead, 2010).

23En outre, de nombreux bailleurs sociaux ont cherché à résoudre les difficultés des locataires de leur parc (pour leur permettre d’accéder à l’emploi, pour les aider à mieux gérer leur budget) – en vue de soutenir leur propre flux de revenus locatifs et limiter les arriérés et les expulsions.

24Une autre préoccupation tenait à la faible mobilité des locataires de logements sociaux dans le cadre d’une recherche d’emploi : compte tenu du niveau élevé de chômage de ces locataires, le gouvernement a cherché à résoudre ce problème de mobilité. L’introduction du choice-based letting[6] s’est avérée populaire dans la plupart des régions. Cependant, le déficit global d’offre de logements sociaux nécessitait, presque partout, de continuer à faire un choix pour déterminer qui devait être logé.

2 – L’orientation actuelle de la politique du logement

25Comme nous l’avons dit, les politiques du gouvernement actuel poursuivent les tendances passées dans de nombreux domaines. Concernant le logement social, pourtant, une nouvelle voie s’engage sur la base des éléments suivants :

  • Dorénavant, l’occupation d’un logement social n’est plus considérée comme un choix (Fitzpatrick et Pawson, 2007). Le nouveau gouvernement souhaite destiner le logement social aux populations qui sont dans le besoin, quand elles en ont besoin et idéalement seulement dans ce cas ;
  • Le nouveau gouvernement ne s’est fixé aucun objectif en termes de structure d’occupation du parc (location privée ou publique, propriété). Néanmoins, il souhaite accroître le rôle du marché, là où il est le plus rentable, du fait de sa plus grande flexibilité et de la mobilité plus élevée qu’il permet ;
  • Une préoccupation émerge concernant les inégalités entre les populations qui peuvent accéder au logement social et celles qui ne le peuvent pas. Le gouvernement cherche à réduire l’attractivité du logement social (en augmentant le loyer et en limitant le droit d’occupation du locataire) mais sans prendre de mesures destinées à rendre le secteur locatif privé plus attractif pour les locataires.
Rappelons qu’au moment où la société britannique devenait de plus en plus inégalitaire, l’offre de logement social a été réduite ; l’accession à la propriété et la location dans le secteur privé ont augmenté. Actuellement, la chute du taux de propriétaires et l’essor de la location privée mettent à nouveau l’accent sur le rôle du logement social dans la politique du gouvernement.

26Le gouvernement actuel a déjà réalisé d’importants changements dans sa politique, notamment en termes d’aménagement du territoire, de réglementation du marché hypothécaire, de distribution des aides publiques auprès des secteurs locatifs, de prestations sociales et d’allocations-logement, d’organisation des logements « abordables », de gestion des sans-abris et des logements insalubres.

27En matière de politique du logement social, plusieurs objectifs ont été posés :

  • le programme de logements « abordables » vise à construire 170 000 logements « abordables » et sociaux [7] d’ici 2015 ;
  • le système des loyers abordables devra faciliter la levée de fonds et améliorer le bilan des bailleurs sociaux. Mais, dans le même temps, il augmentera le budget des aides au logement et la pression sur certains locataires ;
  • les modifications réglementaires devraient accroître la mobilité et améliorer la répartition des locataires entre parc privé et social.

Encadré. Récapitulatif des mesures adoptées récemment

1. Affordable Homes Programme 2011-2015
Il fait suite au National Affordable Housing Programme 2008-2011 et fixe un objectif de 170 000 logements sociaux et abordables supplémentaires. Il repose sur une baisse des aides à la pierre qui doit être compensée par une augmentation des loyers pour équilibrer les opérations des bailleurs. Il introduit pour cela le système de loyers abordables (Affordable rent regime), qui devrait concerner la plupart des nouveaux logements construits : les loyers pourront atteindre jusqu’à 80 % des loyers de marché. Ces nouveaux niveaux de loyers s’appliquent aussi depuis avril 2012 à certaines relocations.
2. Localism Act 2011 :
  • flexibilisation des attributions (possibilité d’écarter des listes d’attente des ménages jugés non prioritaires, d’enregistrer les ménages avec un lien local) ;
  • possibilité pour les bailleurs de louer aux nouveaux locataires du parc social pour un bail limité (avec un bail minimum de 2 ans) ;
  • possibilité pour les collectivités de ne pas loger dans le parc social un sans-abri si une proposition dans le parc privé lui est faite.
3. Welfare Reform Act 2012 :
  • plafonnement de l’ensemble des allocations versées aux ménages à partir d’avril 2013, puis instauration d’une nouvelle allocation (Universal Credit) à partir d’octobre 2013, elle-même plafonnée. Le plafond est fixé à 26 000 euros par ménage par an, équivalent au salaire moyen.
  • versement de l’allocation-logement à une partie des ménages du logement social et non plus directement aux bailleurs sociaux ;
  • baisse des allocations-logement pour les locataires du parc social en âge de travailler qui sous-occupent leur logement (bedroom tax) à partir d’avril 2013.

2.1 – Le nouveau système de subventions et de loyers

28Le premier objectif du gouvernement est de créer un système concurrentiel pour un financement beaucoup plus limité, basé à la fois sur les coûts et les services rendus. Le second objectif est de lier davantage les loyers du parc social à ceux du marché et d’utiliser les ressources supplémentaires provenant des loyers pour financer de nouvelles constructions.

29Les coûts directs des nouveaux investissements seront financés par les revenus locatifs. Ils peuvent être réduits par les aides publiques qui peuvent prendre plusieurs formes : un prix des terrains publics en dessous de leur valeur de marché (notamment, sous la forme d’un bail emphytéotique) ou le recours à l’article 106 (Section 106 du Town and Country Planning Act) qui stipule un droit de réserve sur un certain nombre de logements abordables en l’échange d’un prix du terrain réduit. Le recours au bail emphytéotique s’est accru tandis que l’usage du droit de réserve a diminué avec la crise financière et risque d’être suspendu avec l’introduction du Prélèvement communautaire d’infrastructure (Community Infrastructure Levy). Celui-ci donne le droit aux collectivités locales d’exiger un pourcentage du coût de l’aménagement pour financer l’investissement social local. Des réductions de coûts peuvent également être obtenues en modifiant les normes et en libéralisant les règles d’aménagement des territoires.

30Le taux d’intérêt est une autre composante importante du coût des investissements. Ce taux varie avec les conditions du marché et la garantie apportée par les revenus locatifs – dont les allocations-logement perçues par le locataire. En principe, la garantie apportée par le revenu locatif dans le parc social devrait s’appuyer sur une évaluation des risques semblable à celle que l’on fait pour d’autres services publics. Mais au moins quatre raisons expliquent que cette évaluation ait pu changer (Standard and Poor’s, 2011) :

  • les incertitudes sur le système d’allocation-logement ;
  • le versement des allocations-logement directement à une partie des locataires du parc social (dans le cadre du Welfare Reform Act de 2012) [8], qui rend plus difficile la collecte des loyers ;
  • un taux de vacance accru en raison de la hausse des loyers et d’une forte concurrence, notamment dans des zones peu tendues ;
  • les incertitudes liées au nouveau système générant des problèmes de flux de trésorerie (décalage entre le versement des subventions et les créances des associations de logements).
Dans le nouveau système, les promoteurs souhaitant bénéficier des subventions doivent fournir des informations sur le type et l’emplacement des logements, sur la viabilité financière de l’opération, sur d’éventuelles subventions complémentaires et sur la façon dont les loyers seront fixés. L’étude d’impact faite par le Department of Communities and Local Government (DCLG, 2012) repose sur l’hypothèse que les logements neufs ou reloués seront désormais loués à des loyers « abordables ». Elle montre que le gouvernement considère la construction de nouveaux logements comme prioritaire, à coût budgétaire donné.

31Dans la réalité, les promoteurs doivent financer une partie des investissements par leurs fonds propres et un recours accru à l’emprunt, puisque toutes les demandes de subventions ne sont pas satisfaites. Le programme de 80 000 logements « abordables » inclut 27 % de logements à Londres, (reflétant ainsi les attributions enregistrées depuis 2007), 29 % sont des logements comprenant au moins 3 chambres et destinées à des familles et 10 % sont des logements aidés [9] (supported housing).

32La plupart des 170 000 nouveaux logements abordables et sociaux prévus d’ici 2015 (y compris les 80 000 logements « abordables ») seront construits par des associations de logements.

33Le nouveau système est porteur de risques qui pourraient se traduire par un renchérissement du coût du crédit pour les bailleurs. Pour le moment, les émissions de dettes des associations de logements ont été souscrites sans difficulté même si la prime de risque exigée est bien supérieure à celle observée avant la crise [10]. Dans ce contexte, le gouvernement est en train de mettre en place un système de garanties (proche de celui existant aux Pays-Bas) permettant de réduire les taux d’intérêt et d’augmenter la capacité d’emprunt des bailleurs.

34Résultat de ces politiques, une part croissante de locataires du parc social (peut-être plus de 20 %) devra payer des loyers pouvant représenter jusqu’à 80 % des loyers de marché – la moyenne à Londres sera plus proche de 60 % – avec des coûts en termes de bien-être plus élevés et des incitations au travail réduites.

2.2 – Un rôle croissant pour les collectivités locales

35Le rôle le plus important des collectivités locales reste stratégique. Cependant, le gouvernement actuel a mis en place un nouveau système de financement basé sur un accord négocié sous le dernier gouvernement travailliste. Le principe est de séparer les collectivités locales de l’ancien système de subventions. Leur position est similaire à celle des associations de logements, mais avec des contraintes sensiblement plus élevées.

36Plus de 170 collectivités locales en Angleterre (concentrées à Londres et dans la région du Nord) ont conservé leur parc de logements. Les collectivités locales qui souhaitent se développer doivent lever des fonds. On estime leur capacité d’autofinancement à 2,87 milliards de livres-sterling, dont 1,66 milliard concernent 28 collectivités locales, principalement à Londres. Concrètement, les autorités sont censées utiliser leur capacité d’emprunt pour réaliser des travaux d’amélioration du stock existant, délaissant à court terme la construction de nouveaux logements. Il est vraisemblable que les collectivités locales continuent à s’associer avec les associations de logements, au travers de prises de participation dans leur capital en échange de terrains.

2.3 – Le rôle des allocations-logement

37Un grand nombre de ménages ne peut honorer ses dépenses de logement de première nécessité. Dans certains cas, le ménage n’a aucun revenu et dépend entièrement des aides de l’État. Un tiers des occupants de logements sociaux sont des retraités, et environ la moitié des ménages en âge de travailler sont dans des foyers où personne ne travaille (Hills, 2007). Dans d’autres cas, les revenus du ménage sont insuffisants pour répondre aux dépenses, même lorsque les loyers sont inférieurs aux loyers de marché, comme dans le parc social. Ces évolutions inquiètent de plus en plus le gouvernement actuel.

38Les données récentes sur les « travailleurs pauvres » montrent qu’en 2008-2009, le nombre d’enfants pauvres vivant dans un foyer où au moins un adulte travaille est de 2,1 millions. Ce nombre a fortement augmenté dans les années récentes (Parekh et al., 2010) et renforce le fait qu’un nombre important de ménages ne peut se loger décemment aux conditions actuelles du marché. La distribution des revenus se dégrade au Royaume-Uni (Hills, 2010) et la situation ne devrait pas s’améliorer dans les prochaines années. Dès lors, le système de loyers sociaux et/ou d’allocations-logement ont un rôle crucial à jouer.

39Depuis le début de la crise financière fin 2007, les bénéficiaires de l’allocation-logement en Grande-Bretagne ont augmenté de 750 000. Deux tiers de ceux-ci sont logés dans le secteur locatif privé. En revanche, le nombre de locataires habitant dans le logement social et recevant l’allocation-logement n’a augmenté que de 7 % [11].

40Le problème majeur qui n’apparaît pas dans ces données est la durée pendant laquelle les ménages bénéficient de l’allocation-logement. Un ménage vivant dans un logement social bénéficie à la fois d’un service de logement « aidé » à vie et ponctuellement d’allocations. En revanche, dans le parc privé, le ménage ne perçoit que l’allocation et seulement en fonction de ses besoins, ce qui génère une économie pour le gouvernement.

41La réforme des allocations-logement fait partie d’une réforme beaucoup plus large de l’État-providence, cherchant à limiter l’assistance aux ménages qui travaillent et dont le niveau du salaire est inférieur à la moyenne nationale. Cette réforme touche les locataires du secteur privé, plus particulièrement à Londres. Les locataires du parc social sont protégés contre la plupart des coupes tant que leurs loyers demeurent inférieurs au plafond retenu pour être éligible à une allocation-logement dans le parc privé (plafond qui est calculé pour englober les 30 % de loyers les plus faibles dans chaque zone). Cependant, certains locataires en âge de travailler et résidents du parc social verront leurs allocations baisser s’ils sous-occupent leur logement.

2.4 – Loyers et accessibilité

42Les loyers fixés par les associations de logements sont généralement beaucoup plus abordables que ceux du secteur privé. Ils représentent cependant un poids non négligeable en pourcentage du revenu. Le tableau 3 montre que les taux d’effort [12] (hors allocations-logement) dans le parc social sont plus élevés dans la capitale et y ont augmenté entre 2002 et 2011. Dans les autres régions, les taux d’effort sont restés constants pendant la dernière décennie. Dans le parc social détenu par les collectivités locales, les loyers sont habituellement un peu inférieurs à ceux des logements appartenant aux associations. Cela s’explique par deux éléments. D’une part, les logements sont plus anciens (construits avant les années 1970) et, d’autre part, les travaux de rénovation via le Programme pour des Logements Décents (Decent Homes programme) ont été financés par les subventions du gouvernement central.

Tableau 3

Évolution du ratio loyer social / revenu

Tableau 3
En % Loyer/revenu, par région (CORE) 2002/2003 2009/2010 2010/2011 East Midlands 36 35 35 Eastern 35 35 35 London 44 48 48 North East 35 34 33 North West 36 35 34 South East 37 37 38 South West 36 33 34 West Midlands 36 38 38 Yorkshire et Humber 35 33 33 Angleterre 37 37 37

Évolution du ratio loyer social / revenu

Sources : Banks and Whitehead (2010) et estimations des auteurs basées sur CORE 2009-2010 et 2010-2011.

43L’avantage fourni aux locataires du parc social peut être mesuré par l’écart entre leurs loyers et ceux du marché privé. On constate que cet avantage varie énormément à travers le pays. Le graphique 1 compare les loyers sociaux et privés pour des logements de gamme équivalente. Il montre que dans certaines parties du pays, les loyers sociaux avoisinent déjà 80 % des loyers de marché. Mais ailleurs, les locataires sociaux bénéficient toujours d’un large avantage, qu’ils perçoivent ou non l’allocation-logement.

Graphique 1

Loyers sociaux moyens en pourcentage des loyers privés moyens

Graphique 1

Loyers sociaux moyens en pourcentage des loyers privés moyens

Note : il s’agit des loyers moyens pour des logements de trois pièces.
Source : RSR 25010-11 et VOA 2011.

44Une conséquence de la politique actuelle (de convergence des loyers sociaux sur ceux du secteur privé) est que les associations en phase de croissance auront la possibilité d’augmenter les loyers dans le Sud et, dans une moindre mesure, dans les Midlands. À l’opposé, les associations situées dans le Nord, particulièrement celles opérant dans les zones de réhabilitation urbaine, auront peu de marge pour augmenter les loyers et donc financer de nouveaux investissements.

2.5 – Qui devrait bénéficier du logement social ?

45Avoir accès à un logement de bonne qualité à un prix abordable demeure un problème pour bon nombre de Britanniques. Certains dépendent entièrement des aides de l’État. D’autres travaillent mais ne peuvent payer leur loyer sans bénéficier d’allocations, y compris lorsqu’ils sont locataires du parc social. D’autres encore n’ont pas les moyens de louer au prix de marché. Enfin, les candidats à la primo-accession ne disposent pas toujours d’un apport personnel suffisant et/ou ne peuvent emprunter suffisamment pour acheter leur logement.

46Il est important de rappeler que les personnes peuvent se trouver dans l’une ou l’autre de ces situations à un moment donné, puis en changer. Les personnes au chômage peuvent trouver du travail tandis que d’autres peuvent perdre leur emploi. Des couples divorcent tandis que des personnes seules nouent des relations et se (re-)marient. Des enfants naissent tandis que d’autres, devenus jeunes adultes, quittent le foyer parental. Tous ces changements affectent le niveau et le type d’aides dont les ménages ont besoin afin de disposer d’un logement adapté.

47Au-delà de ces situations individuelles, on observe des tendances générales : une plus grande longévité ; une croissance de la population et une augmentation encore plus rapide du nombre de ménages ; davantage de personnes vivant seules ; et parmi les populations âgées, davantage de personnes vivant de façon autonome et propriétaires de leur logement. Ces changements sont susceptibles d’affecter les types d’aides nécessaires. Les nouveaux logements sont conçus pour pouvoir s’adapter aux différents âges de la vie. Par exemple, pour l’accueil des personnes âgées, les associations de logements ont dû construire des logements adaptés à l’utilisation d’un fauteuil roulant. Pour autant, l’augmentation du nombre de personnes seules ne s’est pas traduite par une augmentation de la demande de petites surfaces, puisque la plupart des personnes vivant seules ont au moins une cinquantaine d’années et préfèrent rester dans un logement de trois pièces ou plus. Les jeunes célibataires sont de moins en moins capables de prendre leur indépendance ; ils doivent continuer à cohabiter avec leurs parents ou alors pratiquer la co-location (Bramley et al., 2010).

48Deux questions importantes n’ont jamais fait réellement l’objet de débat : d’une part, « Qui aider ? » et, d’autre part, « Comment le secteur social doit-il utiliser ses ressources pour fournir une aide adaptée aux besoins ? ». Certes, le gouvernement a élargi la gamme d’aides disponibles, mais la réponse à ces questions dépend très largement du choix des associations de logements et des collectivités locales.

49À bien des égards, les bailleurs sociaux qui souhaitent développer leur activité vont devoir accueillir davantage de personnes en emploi et ce, tout simplement parce qu’elles sont en mesure d’honorer leur loyer. De fait, l’accueil de ménages ayant une probabilité faible de payer les loyers implique une plus grande dépendance au système d’allocations-logement alors même que celles-ci sont susceptibles d’être diminuées. Rappelons toutefois qu’un grand nombre d’associations de logements et même de collectivités locales ne souhaitant ni développer leur activité ni augmenter les loyers, leurs locataires seront, de ce fait, de plus en plus des ménages vulnérables.

2.6 – L’offre de logement social

50Historiquement, les associations de logement ont défini le logement social comme un logement :

  • d’un espace raisonnable, doté des éléments de confort standard et bien entretenu ;
  • loué à des conditions raisonnables et avec une sécurité d’occupation à vie ;
  • appartenant au secteur réglementé et offrant une possibilité de recours efficace ;
  • loué aux ménages qui ne peuvent se loger décemment dans le secteur privé (la définition de ces ménages demeurant cependant ouverte) ;
  • loué à un loyer inférieur au prix de marché par un bailleur n’ayant aucun but lucratif.
Alors que depuis 1920 le type de logement social offert n’avait connu que peu d’évolution, des changements importants sont en cours du fait de la nouvelle orientation politique. Cela affecte les loyers, l’éligibilité, les attributions, la définition des besoins en logement et les bailleurs eux-mêmes. Les loyers seront davantage liés à la valeur des logements (i.e. davantage liés au prix de marché). La vitesse à laquelle les logements sociaux seront convertis en logements à loyer abordable constituera un élément majeur pour le financement du secteur. La nouvelle philosophie s’accorde mal avec le système administratif actuel qui repose sur une revalorisation annuelle (purement administrative) et une formule de convergence visant à permettre aux collectivités locales de rapprocher leurs loyers de ceux des associations à l’horizon de 2016. Pour l’instant, il y a beaucoup d’incertitude sur la façon dont ces deux systèmes interagiront.

51Pour le moment, il n’est pas non plus possible d’estimer précisément quelle proportion de logements sociaux sera louée à un loyer abordable d’ici 2016. Néanmoins, le taux de mobilité dans le secteur des associations de logements fournit des indications sur l’ampleur possible de ce changement. Compte tenu des taux de mobilité observés, jusqu’à 50 % des logements de deux pièces (12 % de mobilité par an), environ 25 % des logements de trois pièces (7 % de turnover par an), mais moins de 1/6 de ceux d’au moins 4 pièces (4 % de turnover par an) pourraient être reloués à un loyer abordable. Sur cette base, au maximum 25 % du stock serait reloué à un loyer abordable d’ici la fin de 2015-2016.

2.6.1 – La durée de la location dans le parc social

52Jusqu’à maintenant, le logement social offrait généralement une sécurité d’occupation à vie à ses locataires. [13] Deux changements sont intervenus depuis peu. Depuis 2011-2012, les logements construits dans le cadre du nouveau programme d’investissement et une partie de ceux remis en relocation ont été loués par les associations de logements avec un bail à durée déterminée, dans le cadre du système de loyers abordables. De plus, depuis avril 2012, les associations de logement peuvent relouer tous leurs logements avec un bail à durée déterminée, sauf aux locataires précédemment logés dans le parc social qui conservent un droit de bail à vie.

53Selon un document sur les nouvelles modalités de location (NHF, 2011b), le bail à durée déterminée devrait permettre aux bailleurs de répondre à la sous-occupation. Ceci est cohérent avec la réforme du système d’allocations qui prévoit une baisse des aides pour les ménages en âge de travailler qui occupent des logements trop grands par rapport à leur composition familiale. Ce document avance aussi qu’il est peu vraisemblable que les bailleurs exigent de leurs locataires qu’ils quittent le logement à la fin du bail, si leurs revenus ont peu évolué.

2.6.2 – L’attribution d’un logement social

54Les propositions du gouvernement visant à diminuer les allocations-logement aux locataires en âge de travailler qui ont un logement sous-occupé (dans le cadre du Welfare Reform Act de 2012) auront vraisemblablement un impact significatif sur les attributions de logement. Actuellement, un tiers des logements de trois pièces des associations de logements est attribué à des personnes seules ou à des couples sans enfants (3 % en ce qui concerne les logements de 4 pièces). En toute vraisemblance, les associations de logements et les collectivités locales vont rencontrer des problèmes dans l’attribution de logements de taille adéquate.

55Un peu plus de 400 000 locataires du parc social sous-occupent les logements (avec au moins deux pièces en trop). En dépit des recommandations de « bonne pratique » et des offres faites par les bailleurs sociaux à leurs locataires pour louer des logements de taille plus réduite, la mobilité au titre de la sous-occupation est relativement faible. Le gouvernement attribue cela à la réticence des locataires concernant le changement, locataires qui, de toute façon, bénéficient de la sécurité d’occupation à vie. Les autres raisons évoquées incluent l’offre de logements alternatifs de moins bonne qualité et de trop petits écarts de loyers au regard du différentiel concernant la taille des logements.

56En vue de donner un « coup de pouce » à la lutte contre la sous-occupation, le gouvernement a annoncé qu’à compter d’avril 2013, les locataires du parc social en âge de travailler possédant une ou deux chambres d’amis verront leur allocation logement réduite d’un pourcentage fixe. Le gouvernement évalue la réduction d’allocations à 11 livres sterling par semaine (en moyenne) pour les locataires ayant un logement comportant une pièce supplémentaire et à 20 livres sterling pour ceux ayant un logement avec au moins deux pièces supplémentaires. La réduction sera plus élevée à Londres.

57Selon le ministère du Travail et des retraites (Department for Work and Pensions), 670 000 ménages seraient dès maintenant affectés par une hausse de loyer et jusqu’à 760 000 en 2020 [14] (DPW 2011a). Le groupe le plus touché est celui des locataires d’âge moyen dont les enfants ont quitté la maison. Cependant, l’étude du gouvernement montre aussi qu’un tiers de ceux qui sont affectés sont des ménages avec enfants.

58Une enquête auprès des locataires concernés montre que 32 % d’entre eux vont essayer de réduire la taille de leur logement alors même que leur bailleur ne sera pas forcément en mesure de leur faire des propositions de logement dans ce sens…

2.6.3 – La définition des besoins en logement

59Tout un ensemble d’initiatives vise à transférer la responsabilité du logement des ménages qui sont « dans le besoin ». Le Localism Act de 2011 donne ainsi plus de flexibilité aux collectivités locales dans leur gestion des attributions. Elles ont la possibilité d’écarter certains ménages – qui ne sont pas considérés comme étant dans le besoin – des listes d’attente et de limiter l’enregistrement aux ménages ayant un lien local, excepté pour certaines catégories de ménages prioritaires pour lesquels est prévue une « préférence additionnelle » [15] (additional preference).

60Il donne aussi la possibilité aux autorités locales de se décharger de l’obligation de louer à un « sans-abri » en lui proposant un logement dans le secteur privé. Cependant, on peut penser que les bailleurs privés seront réticents à accepter les personnes dans cette situation.

61Le gouvernement tente aussi d’augmenter les pouvoirs du bailleur social de façon à ce qu’il puisse évincer plus facilement les locataires faisant preuve de comportement anti-social ou ayant commis un forfait.

62Dans la même veine, puisqu’obtenir un logement social est un « privilège », le gouvernement envisage d’augmenter les loyers pour les locataires ayant les revenus les plus élevés : jusqu’à 6 000 locataires du parc social auraient des revenus supérieurs à 100 000 livres sterling.

2.6.4 – Le changement d’origine des bailleurs

63Le cadre réglementaire mis en place par le précédent gouvernement a permis aux bailleurs privés de rentrer sur le marché du logement social. Un petit nombre gère ainsi des logements à loyer abordable (dans le cadre du nouveau système), mais jusqu’à présent, leur rôle a été très limité. En revanche, les bailleurs privés qui louent des logements à un prix de marché aux ménages dans le besoin sont en nombre beaucoup plus important.

64À l’horizon de 2015, le pourcentage de propriétaires pourrait être de 62 % (CCHPR, 2012), soit très inférieur aux 71 % de 2005. Compte tenu des anticipations de développement du parc social, le secteur locatif pourrait alors être dominé par le secteur privé (à but lucratif) qui représenterait 55 % du secteur, contre 45 % pour le secteur social (sans but lucratif).

65Les deux secteurs de la location présentent des différences évidentes. Toutefois, ils semblent accueillir des populations de plus en plus semblables, notamment parmi les ménages en âge de travailler. Un scénario probable après 2015 est celui d’une plus forte convergence entre secteur locatif privé et social. Sous ce scénario, il est probable que le secteur social continuera à offrir presque tous les logements aidés (supported housing) ainsi qu’une part importante des logements aux personnes âgées, mais que les autres besoins en logements seront de plus en plus satisfaits pour un loyer abordable ou de marché. Au sein du marché locatif, le secteur du logement social resterait ainsi la seule force institutionnelle majeure avec un accès aux marchés de capitaux. Il devra prendre des décisions importantes en termes de durée des baux et d’accueil de ménages davantage en mesure d’honorer au moins une partie de leur loyer sans allocation.

3 – Conclusion

66L’essence du logement social est d’offrir des logements dont les loyers sont inférieurs au prix de marché à ceux qui n’ont pas les moyens de se loger dans le parc locatif privé. De ce point de vue, subventionner la demande plutôt que l’offre (en l’échange de loyers moins élevés) peut être considéré comme plus efficace et la politique du gouvernement s’oriente dans cette direction. Pourtant, il existe de nombreux cas où les bailleurs sociaux proposent des logements avec un meilleur rapport qualité-prix que le secteur privé (que ce soit à un loyer social ou abordable).

67En 2015, le secteur privé – à but lucratif – dominera vraisemblablement le secteur locatif. Ce secteur se distinguera de moins en moins du secteur locatif social, notamment en ce qui concerne l’offre de logements aux personnes en âge de travailler. Le secteur social dominera en termes d’offres de logements aidés et de logements pour les personnes âgées, mais la satisfaction des besoins en logement se fera de plus en plus à un loyer abordable ou au loyer de marché

68Avec une répartition des revenus de plus en plus inégalitaire et l’augmentation du chômage au sein des ménages à faible revenu, ces derniers pourraient ne pas être en mesure de payer leurs loyers dits abordables, loyers rappelons-le qui sont plus forts que précédemment dans un système où ils doivent permettre une augmentation des profits pour financer les investissements et compenser de moindres subventions gouvernementales en capital. Il n’est pas évident que l’allocation-logement puisse suivre la hausse des loyers, dans un contexte de profonds changements du système de protection sociale et de volonté du gouvernement de réduire les coûts.

69L’ampleur de l’offre de nouveaux logements d’ici 2015 est incertaine, et ce malgré l’extension par le gouvernement de son plan de relance initial pour soutenir les infrastructures, y compris le logement. L’objectif ne sera atteint qu’au prix d’une utilisation accrue du foncier public, d’une augmentation de l’endettement des associations de logements, d’un transfert du stock de logements sociaux aux locataires et enfin, de l’engagement des aménageurs et institutions au fond de garantie. Sans croissance économique forte et sans possibilité d’augmenter les dépenses publiques, les options futures seront limitées.

70En principe, compte tenu de l’éventail des bailleurs potentiels (à la fois sociaux et privés), l’objectif de long terme de tout gouvernement devrait être de trouver le moyen le plus efficace de satisfaire les besoins en logement. Dans le secteur privé, l’aide publique est fournie au travers des allocations-logement. Dans le secteur social (lequel inclut désormais des prestataires privés, en plus des collectivités locales et des associations de logements), l’aide est constituée à la fois de subventions à l’offre (aides à la pierre) et d’allocations-logement basées sur les revenus. Ainsi, l’utilisation efficace de l’aide dépend non seulement de la qualité de l’offre de logement social et de sa gestion, mais aussi des règles d’attribution et de la capacité à cibler l’aide en fonction des besoins du ménage à un moment précis.

71La position actuelle du gouvernement ne porte pas tant sur l’efficacité de l’aide que sur son coût relatif pour les deniers publics. L’étude du Department of Communities and Local Government (DCLG), publiée à l’occasion de la dernière attribution des subventions, avance que, l’intérêt de subventionner est plus fort là où les locataires sont modestes et paient des loyers élevés, ce qui permet de leur verser moins d’allocations-logement (DCLG, 2011a). Notre analyse, basée sur des hypothèses relativement simples, suggère que les coûts relatifs des subventions à l’offre (versus demande) varient aussi entre les régions, en fonction notamment des attributions et en particulier du différentiel des loyers entre parc privé et parc social (CCHPR, 2012). Elle montre aussi que les nouveaux locataires du parc social ne viendront pas majoritairement du parc locatif privé, mais auront précédemment cohabité avec leur famille ou amis.

72Le logement social continuera sans aucun doute à jouer un rôle dominant pour les ménages dans le « besoin ». On peut estimer qu’environ un quart des nouveaux ménages – soit 50 000 ménages supplémentaires chaque année – auront besoin d’une aide de l’État pour se loger décemment, tous types d’ aides confondus (Holmans et Whitehead, 2011). Mais cela nécessitera un meilleur fonctionnement du secteur social que dans le passé.

Notes

  • [1]
    Cet article s’inspire largement du rapport du Cambridge Centre for Housing and Planning Research (University of Cambridge) pour le « Housing Futures Network » : http://www.cchpr.landecon.cam.ac.uk/Downloads/HFN%20final%20report%2021%20july%20inc%20%20annexes%20-%20FINAL.pdf
  • [2]
    Cet article a été traduit par Sabine Le Bayon, Sandrine Levasseur et Christine Rifflart (OFCE).
  • [3]
    Les associations de logement sont des bailleurs sociaux indépendants sans but lucratif.
  • [4]
    NDT : Il s’agit d’une politique mise en place dans les années 1980 pour favoriser l’achat de leur logement par les locataires du secteur public.
  • [5]
    NDT : La « résidualisation » désigne, dans la terminologie définissant les conceptions de logement social, un système où la vocation du parc social cible les populations les plus défavorisées.
  • [6]
    NDT : Système d’attribution basé sur le choix des usagers, introduit dans les années 2000. Les ménages se positionnent sur un ou plusieurs logements spécifiques en fonction de leurs caractéristiques et de leurs préférences.
  • [7]
    Un logement « abordable » est un logement dont le loyer peut atteindre jusque 80 % du loyer de marché. En ce qui concerne un logement social, son loyer se situe entre 40 % et 60 % du loyer de marché.
  • [8]
    NDT : Précédemment, l’allocation-logement était directement versée aux bailleurs sociaux.
  • [9]
    NDT : Il s’agit de logements prévus pour des personnes particulièrement vulnérables (problèmes de santé mentale notamment) et qui s’accompagnent d’un soutien spécifique.
  • [10]
    Il est cependant difficile d’estimer le taux d’équilibre de long terme.
  • [11]
    Pour mémoire, 62 % des locataires sociaux percevaient une allocation-logement en 2009-2010.
  • [12]
    Le taux d’effort mesure la part des dépenses de logement (ici loyers) dans le revenu du ménage.
  • [13]
    Ces derniers temps, une période probatoire était toutefois nécessaire.
  • [14]
    La limite d’âge des ménages en âge de travailler affectés par cette réforme est fixée en se basant sur l’âge de départ à la retraite des femmes. Or, ce dernier va augmenter pour passer de 61 à 66 ans, ce qui va mécaniquement se traduire par une hausse progressive du nombre de ménages concernés.
  • [15]
    NDT : Par opposition aux ménages dont les caractéristiques leur donnent une « préférence raisonnable » (reasonable preference) pour occuper un logement social. Ces derniers se voient attribuer un certain nombre de points en fonction de leur situation personnelle. Plus leur nombre de points est élevé, plus ils ont de chance d’obtenir un logement social.
Français

À son plus haut niveau au début des années 1970, le logement social concernait presque un tiers des ménages britanniques. En 2011, cette part n’était plus que de 18 %. Cet article décrit tout d’abord comment ce secteur a évolué : initialement financé par des fonds publics et propriété des collectivités locales, le logement social appartient désormais majoritairement aux bailleurs sociaux indépendants et la principale source de financement est dorénavant le secteur privé. Cette étude s’intéresse ensuite à la politique du logement de l’actuel gouvernement, ses implications pour les publics bénéficiaires, son impact sur les niveaux de loyers et dans quelle mesure les subventions sont concentrées sur la demande plutôt que l’offre. Finalement, l’article s’interroge sur l’avenir du logement social au sein du secteur plus large de la location et sur l’évolution de l’aide publique à ce secteur.

Mots-clés

  • logement social
  • location
  • financement privé
  • privatisation
  • allocations logement

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Christine Whitehead [2]
London School of Economics
  • [2]
    Cet article a été traduit par Sabine Le Bayon, Sandrine Levasseur et Christine Rifflart (OFCE).
Cette publication est la plus récente de l'auteur sur Cairn.info.
Mis en ligne sur Cairn.info le 19/06/2013
https://doi.org/10.3917/reof.128.0019
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