Virginia Woolf est en contact étroit avec les artistes et les écrivains de son époque et participe aux recherches du modernisme. Elle rejette la forme narrative établie et expérimente des formes qui vont libérer le rythme interne de son texte, mettre en avant les dimensions de la temporalité et restituer la densité et la fluidité de l’expérience humaine. À travers la dimension visuelle, spatiale, voire « plastique », sa forme devient un élément essentiel de l’histoire (Briggs, 2006, p. 100). Cette recherche résonne avec sa souffrance psychique personnelle, qui a deux aspects : Woolf est amenée à se confronter à sa propre particularité psychique et à une série d’importantes pertes, dont la plus grave fut la mort de sa mère quand elle avait treize ans. Briggs (Ibid., p. 1) souligne de manière pertinente que la perte et l’absence se trouvent au cœur de l’art de Virginia Woolf.
Dans son texte autobiographique « Une esquisse du passé », Woolf parle de ses premiers souvenirs d’enfance et des premières émergences, quasi hallucinatoires, d’une sensorialité exceptionnellement intense. Woolf a donné un sens à cette vulnérabilité à l’aide d’une construction. Elle supporte ce « coup », parce qu’elle sait maintenant que : « ce n’est pas […] un simple coup d’un ennemi caché derrière l’ouate de la vie quotidienne ; c’est le témoignage d’une chose réelle au-delà des apparences » (1976/1986, p. 80). Elle est contrainte à appréhender l’expérience des crises et à la mettre en mots. De cette manière elle peut rendre l’expérience réelle, la transformer en un « tout » et le « coup » ne peut plus ainsi la blesser…