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Impressionnant premier plan de En avant, jeunesse, le sixième long métrage du cinéaste Pedro Costa : c’est comme un vomissement de meubles jaillissant de la gueule d’une bâtisse délabrée pour finir écrasés au sol dans un fracas qui ne dérange en rien le règne de la nuit. Au vacarme succédera la parole, le plan suivant matérialisant verbalement ce qui n’était alors que fureur brute. Une femme parle, son regard est perçant, et le coupant de son verbe se réverbère dans le brillant de la lame qu’elle tient dans sa main. La furie s’appelle Clotilde, et elle a mis son compagnon, Ventura (Mario Ventura Medina), à la porte. Cette mise à la porte au milieu des débris domestiques vaut symboliquement pour une mise au monde. Mise à la porte, mise au rebut, mise en mots, mise au monde : tout En avant, jeunesse réside là. À quoi tient le monde filmé par Pedro Costa ? Quelles sont les formes et les personnes qui le supportent, et qui ainsi le rendent supportable, affirmant la distinction entre ce monde précaire et l’immonde qui l’entoure et menace continuellement de l’abîmer ? Malgré une consistance sociale et matérielle très faible, et s’affaiblissant toujours plus à mesure de l’entreprise de destruction du quartier marginalisé de Fontainhas à Lisbonne, ce monde demeure vivant. Il persiste parce qu’il repose sur les frêles épaules de celles et ceux qui tiennent encore, qui tiennent debout, et qui tiennent les propos affirmant une consistance symbolique face à ce qui psychiquement s’effrite et matériellement s’écroule…
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- Mis en ligne sur Cairn.info le 01/03/2014
- https://doi.org/10.3917/ver.037.0070

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