Toute personne ayant approché la philosophie de Gilles Deleuze sait combien Spinoza a influencé de façon majeure la construction de sa pensée. Depuis l’année 1968, où il publie son premier livre sur Spinoza, Spinoza et le problème de l’expression (en même temps que Différence et répétition), jusqu’à l’écriture vingt-trois ans plus tard de Qu’est-ce que la philosophie ?, où Spinoza est nommé le « prince », voire « le christ des philosophes », l’influence du penseur de l’immanence « la plus pure » se fait sentir de manière unique. En effet, écrit Deleuze dans un entretien, « j’ai commencé par des livres d’histoire de la philosophie, mais tous les auteurs dont je me suis occupé avaient pour moi quelque chose de commun. Et tout tendait vers la grande identité Spinoza-Nietzsche ». Les auteurs dont Deleuze « s’est occupé », et qui ont donné lieu à ses « livres d’histoire de la philosophie », ce sont bien entendu Hume, Nietzsche, Kant, Bergson, Proust et Spinoza. C’est le travail sur ces philosophes qui prépare l’écriture, et les concepts, de Différence et répétition. Or tout ce travail préparatif d’historien, soutient Deleuze, était commandé dès le début par quelque chose de « commun », c’est-à-dire de partagé entre ces auteurs, par une certaine communauté de pensées. Mais cette communauté, soutient-il, se définit à son tour par quelque chose de plus fondamental, d’encore plus profond : la « grande identité » entre Spinoza et Nietzsche. Dans cette alliance entre Nietzsche et Spinoza, se trouve en quelque sorte la clé de toute la pensée deleuzienne, non seulement celle qui conduit à…