Le rapport sur l’affect présenté par André Green en 1970 a sans doute marqué un tournant dans la métapsychologie de l’affect, et peut-être au-delà dans la réflexion métapsychologie française d’ensemble. Il se situe clairement dans un contrepoint de l’accent mis par Lacan sur le signifiant et le langage verbal et l’influence qu’il a pu avoir sur une large partie des psychanalystes français même en dehors du mouvement lacanien lui-même. Le rapport de Green témoigne à la fois du désir de réévaluer la position de Freud concernant l’affect, largement sous-estimée chez Lacan dans son « retour à Freud », et d’un appui trouvé chez les auteurs anglo-saxons pour redonner toute sa valeur clinique à la « chair du signifiant ».
Mais même une lecture cursive du rapport convainc vite celui qui s’y livre que, si l’affect est bien au centre de la réflexion, les propositions métapsychologiques qui le jalonnent vont bien au-delà de la simple réévaluation de la place de l’affect et annoncent une évolution des axes dominants de la réflexion métapsychologique française, ce que la suite des travaux de Green confirmera largement.
Je pense donc que le rapport de Green a eu une influence importante sur la réflexion clinique et métapsychologique de l’époque – en tout cas a minima sur la mienne –, qu’il a ouvert des voies de réflexion et des problématiques nouvelles ou reformulées de manière novatrice.
Faire retour cinquante ans plus tard sur les chantiers théoriques qu’il ouvre à l’époque, c’est à la fois tenter d’en repérer la nature, mais aussi inévitablement de tenter de mesurer l’évolution qu’ils ont connue pendant ce demi-siècle…